Vitraux de Notre-Dame-la-Riche

Auteur(s) :

Anonyme

Commanditaire(s) :

Anonyme

Date(s) :

v. 1460-1480 ?

Dimension(s) :

L : 160cm / H : 470cm

Techniques / Matériaux :

Peinture sur verre

Lieu de conservation :

Tours, église Notre-Dame-la-Riche

Saint Martin et La lapidation de saint Étienne, anonyme, v. 1460-1480?, peinture sur verre, 470 x 160 cm, Tours, église Notre-Dame-la-Riche.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

L’église Notre-Dame-la-Riche possède un ensemble hétérogène de 18 verrières datées des XVe, XVIe, XIXe et XXe siècles. À la Renaissance, l’édifice se dressait hors des remparts de la ville, sur la route qui menait au château royal du Plessis-lès-Tours, dans un faubourg qui connaissait alors une forte croissance. Une campagne de travaux fut entreprise peu avant 1422, date à laquelle Jançon Loisel peignit la statue d’une Vierge sur un des portails qui venait d’être reconstruit [Grandmaison, 1870, p. 3]. Les restaurations se poursuivirent pendant la seconde moitié du XVe siècle [Huguet, p. 60], période qui correspond à la réalisation des baies situées dans les deux premières travées méridionales du Chœur (baies 6 et 8). La baie 1, située sur le mur du Chevet à gauche de l’autel, et les baies 2 et 4, situées à sa droite, sont des ensembles composites créés à partir de vitraux du XVe et du XVIe siècle de provenance inconnue.

Les vestiges de la production verrière tourangelle pour les XVe et XVIe siècles sont rares. Pourtant, la présence du pouvoir royal et d’une puissante bourgeoisie contribua à l’épanouissement d’un foyer qui pouvait bénéficier de modèles élaborés par des peintres renommés. Jean de Bernard, archevêque de Tours entre 1441 et 1466 et Louis de Bourbon-Vendôme se firent représentés avec leur famille dans les baies hautes de la Nef de la cathédrale qui furent déplacées au début du XXe siècle sous la rose du bras nord. Le roi Louis XI aurait commandé à Jean Fouquet les modèles de deux verrières illustrant la vie de Clovis pour la collégiale Saint-Martin  [Les vitraux…, p. 1981, p. 137]. Par ailleurs, un passage de l’Éloge de Tours et de la Touraine écrit par l’Italien Francesco Florio vers 1470 laisse à penser que le peintre aurait fourni les patrons de vitraux de Notre-Dame-la-Riche.

Les verrières des baies 6 et 8 sont formées de deux lancettes de 4,70 m de haut sur 1,60 m de large. Elles ont été restaurées une première fois dans les années 1818-1820, et par la suite, elles ont été déposées par trois fois : en 1920, pour une remise en plomb, pendant la Seconde Guerre mondiale pour les protéger et enfin en 1974 pour une restauration. Leur place initiale est inconnue.

Saint Sulpice et saint Hilaire, Anonyme, v. 1460-1480?, peinture sur verre, 470 x 160 cm, Tours, église Notre-Dame-la-Riche.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

La baie 6 représente Saint Martin et la Lapidation de saint Étienne et la baie 8, Saint Sulpice et Saint Hilaire. La composition est similaire dans chaque lancette : le saint est placé dans une niche surmontée d’un haut Dais architecturé et il se dresse sur une base buticulaire sur laquelle est inscrit son nom. Cette inscription est l’unique moyen d’identifier les saints Martin, Sulpice et Hilaire qui sont dépourvus d’attributs. En revanche, saint Étienne est reconnaissable par l’évocation de son martyre. Dans la première lancette de la baie 6, saint Martin, troisième évêque de Tours (371) et fondateur de l’ermitage de Marmoutier, est représenté en costume d’évêque. Il tient un bâton pastoral de la main gauche et il effectue le geste de la bénédiction de la main opposée. La tête est auréolée et ceinte d’une mitre. L’homme en prière agenouillé à ses pieds est probablement un donateur. Dans la lancette suivante, saint Étienne, vêtu d’une aube et d’une dalmatique, est représenté à genoux, les mains jointes. Deux hommes s’apprêtent à lui jeter des pierres alors que la main de Dieu surgit au-dessus d’eux entourée de rayons lumineux. Cette scène évoque l’histoire de saint Étienne, l’un des sept diacres nommés par les apôtres et premier martyr de la chrétienté, dont la fin tragique est racontée dans le Nouveau Testament (Ac ; 6,1-7,60). Dans la lancette gauche de la baie 8 est figuré saint Sulpice et dans la lancette droite, saint Hilaire, évêque de Poitiers vers 350 et Père de l’Église. Tous les deux portent une aube, une chape et une mitre épiscopale et tiennent un livre dans la main droite et un bâton pastoral dans la main gauche. Saint Sulpice-Sévère était un des compagnons de saint Martin ainsi que son biographe. Toutefois, il fut moine et non évêque. Dans ces conditions, comment expliquer l’habit épiscopal ? Peut-être faut-il voir ici une confusion ou rapprochement volontaire avec saint Sulpice Ier le Sévère, évêque de Bourges, qui tint sa charge dans des temps reculés, entre 584 et 591.

Saint Martin et La lapidation de saint Étienne, Anonyme, v. 1460-1480?, peinture sur verre, 470 x 160 cm, Tours, église Notre-Dame-la-Riche.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

Le sens de ces verrières nous échappe aujourd’hui en partie. Leur emplacement d’origine est inconnu, de même que le programme iconographique auquel elles ont appartenu. Dans une description de 1843, l’abbé Vicart affirme qu’il existait sur le mur nord du chœur, en vis-à-vis de ces baies, deux verrières semblables qui avaient déjà disparu à l’époque où il écrivait. En outre, l’ordre des lancettes était à cette date différent : la baie 6 accueillait le Saint Sulpice et la Lapidation de saint Étienne et la baie 8 le Saint Hilaire et le Saint Martin. Des points communs existent entre tous les saints représentés. Ils appartiennent en effet tous aux premiers siècles de la chrétienté : saint Étienne est mort en 37, saint Martin et saint Hilaire vécurent au IVe siècle et saint Sulpice-Sévère, s’il s’agit bien de lui, s’éteignit vers 420. Par ailleurs, l’accent est mis sur la charge ecclésiastique et pastorale à travers leurs habits et leurs attributs.

Ces vitraux sont traditionnellement datés vers 1460 [Corpus vitrearum, p. 133]. Toutefois, par leur style, les microarchitectures qui couronnent les niches rappellent les dais des voussures du portail sud de l’église Notre-Dame-la-Riche ou ceux du portail central de la cathédrale Saint-Gatien, ce qui invite à proposer une datation plus tardive, aux alentours de 1480 [Malenfant, p. 53]. Bien que, sur la foi du témoignage de Francesco Florio, l’abbé Fiot ait cherché à discerner la main de Fouquet dans ces portraits d’évêques, l’état des connaissances ne permet pas d’identifier avec certitude l’auteur des modèles et invite à la prudence.

 

Bibliographie

Corpus vitrearum. Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Paris, éditions du CNRS, 1981, p. 132-133.
Fiot Robert, « Jean Fouquet à Notre-Dame-la-Riche », dans Revue de l’art, 10, 1970, p. 31-46.
Huguet Claire, L’église de Notre-Dame-la-Riche, exemple d’un chantier paroissial à Tours à la fin du XVe siècle, 2 vol., mémoire de Master 2 sous la direction d’Alain Salamagne, Université de Tours, 2011-2012.
Malenfant Morgane, Contribution à l’étude du vitrail au XVe siècle. Les baies 6 et 8 de l’église paroissiale de Notre-Dame-la-Riche, Mémoire de M1 sous la direction de Charron Pascale, Université de Tours, 2016.
Vicart Abbé, « Mémoire sur les verrières du chœur de l’église de Notre-Dame-La-Riche de Tours », dans Mémoire de la Société archéologique de Touraine, Tome II, Tours, 1843 – 1844, pp. 148-177.


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