Saint Georges combattant le dragon

Auteur(s) :

Colombe, Michel ; Pacherot, Jérôme (encadrement attribué à) ; Chersalle, Jean ; Meynal Bertrand de

Commanditaire(s) :

Amboise, Georges Ier d'

Date(s) :

1508-1509

Dimension(s) :

L : 182cm / H : 128cm / P : 17cm

Techniques / Matériaux :

Marbre

Lieu de conservation :

Paris, Musée du Louvre

Saint Georges combattant le dragon, Michel Colombe, 1508, Marbre, 128,5 x 182,5 x 17 cm, Paris, Musée du Louvre, Département des Sculptures du Moyen Âge, de la Renaissance et des temps modernes, MR 1645.
Crédits : Photo © 2012 RMN-Grand Pamais (musée du Louvre) / Thierry Ollivier

Le relief de Saint Georges combattant le dragon est un retable commandé par le cardinal Georges Ier d’Amboise à Michel Colombe pour la chapelle haute du château de Gaillon, la résidence des archevêques de Rouen. Le prélat, homme influent auprès du roi Louis XII, fit rénover le château de Gaillon qui devint, grâce à la présence de plusieurs artistes italiens, un des principaux foyers artistiques de la première Renaissance en France.

En 1508, le tailleur de pierre fiesolan Jérôme Pacherot fut chargé du transport de la table de marbre jusqu’à l’atelier de Colombe à Tours où le retable fut entièrement exécuté [Deville, 1850, p. 332]. Le maître qui était alors très âgé fut vraisemblablement secondé par un assistant. Un paiement de 300 livres lui fut adressé en février 1509 [Deville, 1850, p.419]. Jérôme Pacherot, le Génois Bertrand de Meynal et de maître maçon tourangeau [Renumar, 31 décembre 1521] Jean Chersalle, qui furent rétribués pour avoir  « besongné à la table et pillers (piliers) de marbre » de la chapelle (je lis partout que Chersalle est italien mais je n’en trouve la preuve dans aucune source, même dans les comptes de Gaillon. On retrouve en revanche ce nom plusieurs fois à Tours [Renumar, 8 novembre 1507] et dans le cercle de Martin et Gatien François, [Renumar, 7 octobre 1530 ; et Renumar, 31 décembre 1521), ont réalisé l’encadrement qui se compose de pilastres latéraux et d’un entablement ornés de motifs à l’antique (candélabres, rinceaux, Bucrane, etc.) [Deville, 1850, p. 360].

 

La place du retable dans le château de Gaillon

La fontaine de Gaillon, Jacques Androuet du Cerceau, 1576, gravure extraite de J. Androuet du Cerceau, Le premier volume des plus excellents bastiments de France…, Paris, BnF, département Arsenal, FOL-S-1623 (1), f°206.
Crédits : Source gallica.bnf.fr / BnF

Saint Georges était le saint tutélaire du cardinal d’Amboise. À ce titre, il occupait une place importante dans le décor du château de Gaillon. Une statue en cuivre à son effigie était placée dans l’escalier à vis [Deville, 1850, p. LXVIII] alors qu’un relief du combat contre le dragon vraisemblablement sculpté par Pacherot et Meynal [Deville, 1850, p. 317-318] ornait le bassin d’une des fontaines du château. La chapelle, qui comprenait un ensemble de vitraux et un mobilier en bois finement ouvragé et marqueté, ne fut achevée qu’après la mort du commanditaire. À l’entrée, des statuettes de saints étaient disposées sur deux registres dans des niches sur les vantaux des portes. La tribune d’orgue et les stalles présentaient un riche décor sculpté en relief où était à nouveau figurée la victoire de saint Georges [L’Art des frères d’Amboise, p. 96 et 101]. La clôture de Chœur, qui était surplombée par un Christ en croix entouré de la Vierge et de Saint Jean, associait des éléments de décor Renaissance et flamboyants [voir Bos et Dubois, dans L’Art des frères d’Amboise, p. 83-98]. Le retable de Michel Colombe se dressait sur la table d’autel située dans le chœur. Plusieurs œuvres d’artistes italiens venaient compléter ce projet décoratif ambitieux : une fresque dans la Nef d’Andrea Solario représentant les hommes de la famille d’Amboise agenouillés [L’Art des frères d’Amboise, p. 101] et un collège apostolique en terre cuite réalisé par Antoine Juste.

 

 

L’unique relief de Michel Colombe

L’existence de saint Georges n’a pas de fondement scripturaire et pourtant, sa légende, véhiculée par la Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe siècle), était très populaire au Moyen Âge et au début de la Renaissance. En attestent les nombreuses représentations dans les arts visuels qui mettent en scène l’affrontement du valeureux guerrier et du monstre cruel, métaphore du combat du Bien contre le Mal. Saint guerrier et évangélisateur – la ville qu’il délivra du monstre se convertit au christianisme –, il symbolisait en outre parfaitement le rôle politique et religieux qu’assuma Georges d’Amboise tout au long de sa vie.

Dans le relief de Gaillon, saint Georges transperce l’épaisse cuirasse du dragon avec sa lance. L’animal, vu en partie de dos dans une pose tournoyante, se dresse sur ses pattes arrières et tente de freiner l’assaut meurtrier. À dextre, au loin sur un promontoire rocheux, la princesse, un genou à terre, écarte les mains en signe d’effroi. La scène se déroule dans un paysage rocailleux où quelques touffes d’herbe poussent sur un sol désolé. Les arbres derrière la jeune femme évoquent la forêt qui se déploie dans le lointain. La profondeur et les différents plans sont suggérés par la variation de l’épaisseur du relief et par la diminution de la taille des figures.

Le chevalier et sa monture souffrent de quelques raideurs. Le corps de Georges manque de souplesse et les jambes du cheval sont tendues alors qu’en position cabrée, elles devraient être pliées. L’anatomie de l’animal est en revanche restituée avec précision, notamment la tête, qui est saisissante de réalisme. De la même façon, chaque écaille du monstre est sculptée individuellement et le décor du harnachement et de l’armure ainsi que les aspérités de la paroi rocheuse sont traités avec minutie. Le dragon est une créature reptilienne hybride dotée d’une tête de lézard, de pattes de tortue et du corps lourd et épais d’un crocodile. Les proportions de ses membres sont étranges : les ailes sont petites et inadaptées à un animal aussi imposant et la tête est démesurément grande pour un cou aussi long. Ses formes disgracieuses et inélégantes contrastent avec la noblesse du cheval de saint Georges. Toutefois, il est représenté debout et pugnace au milieu de la composition alors que les artistes choisissaient traditionnellement de le montrer soumis et atterré.

 

Au tournant du XVIe siècle, à Gaillon comme à Tours, les artistes français et italiens travaillaient de concert pour satisfaire leurs prestigieux clients. Le retable de Gaillon, unique relief de Colombe encore conservé, est le fruit d’une de ces collaborations. Bien que souffrant de quelques faiblesses (peut-être dues à l’intervention d’un assistant), il était à son époque un ouvrage novateur par ses dimensions et par le traitement de l’espace [Tours 1500, cat. 106].

 

Bibliographie

L’Art des frères d’Amboise. Les chapelles de l’hôtel de Cluny et du château de Gaillon, catalogue de l’exposition du musée national du Moyen âge au thermes et à l’hôtel de Cluny et du musée national de la Renaissance à Écouen du 3 octobre 2007 au 14 janvier 2008, Paris, éditions de la RMN, 2007.
Bottineau-fuchs Yves, « L’ornementation « à l’antique » en Normandie au début du XVIe siècle », dans L’Architecture de la Renaissance en Normandie, T. 1, Caen, Presses universitaires de Caen, 2003, p. 99-122.
Chancel-Bardelot Béatrice de, Charron Pascale, Girault Pierre-Gilles, Guillouët Jean-Marie (dir.), Tours 1500. Capitale des arts, catalogue d’exposition au musée des Beaux-Arts de Tours du 17 mars au 17 juin 2012, Paris, Somogy, 2012, cat. 106 (notice de Marion Boudon-Machuel).
Deville Achille, « Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon », dans Collection de documents inédits sur l’histoire de France, troisième sérieParis, 1850.
Gaborit Jean-René (dir.), Sculpture française II, Renaissance et Temps Modernes, vol. I, Paris, Réunion des musées nationaux, 1998, p. 156.


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