Reliquaire de sainte Marthe

Auteur(s) :

Mangot, André

Commanditaire(s) :

Louis XI

Date(s) :

1461-1463 ; 1476-1478

Dimension(s) :

Techniques / Matériaux :

Orfèvrerie

Lieu de conservation :

Oeuvre détruite à la Révolution

Buste reliquaire de sainte Marthe, anonyme, reproduction du XVIIe siècle d’une œuvre d’orfèvrerie disparue, 88 x 69 cm, Paris, musée de Cluny, Cl.9286.
Crédits : Photo © RMN-Grand Palais (musée de Cluny – musée national du Moyen Âge) / image GMN-GP

Le buste-reliquaire de sainte Marthe fut commandé par le roi Louis XI à l’orfèvre André Mangot pour l’église de Tarascon en Provence. Les gravures et les peintures reproduisant cette châsse aujourd’hui disparue permettent d’imaginer la splendeur de cette commande royale et offrent un témoignage précieux de l’orfèvrerie tourangelle de la seconde moitié du XVe siècle.

L’église de Tarascon en Provence, qui conservait les reliques de sainte Marthe, attirait chaque année de nombreux pèlerins. En 1461, le nouveau roi Louis XI, qui était venu en pèlerinage au sanctuaire en 1447 [Faillon, T. 1, col. 1245], désira le doter d’un nouveau reliquaire en or. Ce don intervenait peu de temps après l’exécution en 1454 d’un premier reliquaire en argent, contenant la tête de la sainte, par l’orfèvre arlésien Étienne Dandelot [Frizet, 2010, p. 159]. Cette œuvre avait été commandée par le roi René d’Anjou, comte de Provence, qui contribua à sa réalisation à la hauteur de 3000 écus d’or et le dauphin de France (futur Louis XI) qui participa également aux dépenses pour une somme qui demeure inconnue [Lapeyre, 1986, p. 99]. Pour le second reliquaire, Louis XI versa également 3000 écus d’or, somme identique à celle offerte par son oncle quelques années auparavant. Cette équivalence de dépenses peut sans doute être lue comme révélatrice des rapports tendus qui existaient alors entre le nouveau roi et son oncle [Frizet, 2010, p. 154-156]. La Provence était en effet une région convoitée par le pouvoir royal [Cassagnes-Brouquet, 2007, p. 231], ce qui alimentait une certaine rivalité entre les deux princes. Pour la fabrication, Louis XI s’adressa à l’orfèvre tourangeau André Mangot qui reçut 900 écus pour son travail [Lapeyre, 1986, p. 103]. Une fois l’ouvrage terminé, l’artiste vint le présenter en personne aux autorités tarasconnaises le 19 décembre 1463 [Lapeyre, 1986, p. 100]. Il dut retourner à Tarascon en 1467 afin d’agrandir le reliquaire qui avait été jugé trop petit [Lapeyre, 1986, p. 101]. Le transfert des reliques dans la nouvelle châsse se déroula le 8 décembre 1470 au cours d’une cérémonie solennelle à laquelle assistèrent le roi René et son épouse [Faillon, 1835, p. 51]. Six ans plus tard, Mangot enrichit l’ouvrage d’un nouveau support ovoïde et d’une statuette de Louis XI en oraison.

Des relevés effectués en 1793 révèlent que le buste-reliquaire mesurait 67 centimètres de haut et le socle 51 centimètres de diamètre pour une circonférence dépassant 1,3 mètres [Lapeyre, 1986, p. 103]. L’objet pesait plus de 24 kilos, ce qui représentait environ 7300 écus d’or. Conservé dans l’église de Tarascon jusqu’en 1794, il fut transféré à la Monnaie de Marseille, puis finalement envoyé à Paris où sa trace se perd à la fin du XVIIIe siècle [Lapeyre, 1986, p. 106].

Des gravures et tableaux des XVIIe et XVIIIe siècles permettent de connaître la forme du reliquaire. La sainte portait une couronne fleurdelisée posée sur un voile qui retombait sur les épaules. Fixé au milieu de la poitrine, un écusson encadré de deux cerfs était orné de trois fleurs de lys et surmonté d’un heaume. Les coquilles, symboles de l’ordre de Saint-Michel, placées sur les épaules, durent être ajoutées après 1469, année de la fondation de cet ordre par Louis XI. Le buste reposait sur un socle crénelé qui présentait des épisodes de la vie de sainte Marthe en émail peint inscrits dans une galerie d’arcs en Accolade séparés par des contreforts en micro-architecture [Lapeyre, 1986, p. 107]. Une statuette du roi en oraison dans ses habits de sacre était posée sur une base fixée au socle. On connait plusieurs exemples de ce type de représentation du roi en prière : sur un ostensoir offert à Notre-Dame de Hal en 1460 [Cassagnes-Brouquet, 2007, p. 207] ou devant la châsse contenant les reliques de saint Martin dans la collégiale éponyme de Tours. L’inscription en latin à côté de la statuette et celle en français au dos de l’ouvrage commémoraient le don et rendaient grâce au roi (« Rex francorum. Ludovicus. Undecimus. Hoc. Fecit. Fieri. Opus. Anno. Domini. M. CCCCLXXVIII. » / « Louis XI, Roi des Français, fit faire cet ouvrage l’an du Seigneur 1478 » et « Notre Seigneur, par sa grâce le rende audit roi en acquest monde et en lautre et li don grâce de y faire encore la caisse dor pour y mettre le corps de ladite sainte ») [Faillon, 1835, p. 50].

André Mangot, maître orfèvre d’origine germanique [Lapeyre, 1986, p. 130] installé à Tours, rue Traversaine [Giraudet, 1885, p. 280], travailla régulièrement pour le roi, pour des tâches courantes comme la fabrication ou la réparation de vaisselle en métal précieux, mais également pour des travaux d’orfèvrerie religieuse plus ambitieux à l’instar du reliquaire de sainte Marthe. C’est en effet Mangot qui réalisa en 1463 la statuette du roi agenouillé en argent doré destinée à l’abbatiale Saint-Martin [Lapeyre, 1986, p. 78-79]. L’effigie fut mise en place en 1466 et fut par la suite complétée par une plaque en argent doré aux lettres émaillées qui portait la date de 1474 [Grandmaison, 1870, p. 265 et 272]. Mangot reçut également un paiement en 1473 pour un « tableau où est la portraiture du Roy à genoux devant un Saint Esprit » [idem, p. 270], probablement un ex-voto en relief destiné à un sanctuaire non identifié. L’orfèvre, qui reçut ses lettres de naturalité en 1472 [Lapeyre, 1986, p. 130], décéda avant juillet 1499, laissant son atelier à Hans Mangot, avec qui les liens de parenté n’ont pas encore été établis.

 

Bibliographie

Cassagnes-Brouquet Sophie, Louis XI ou le mécénat bien tempéré, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2007.
Faillon Étienne Michel, Monuments de l’église de Sainte-Marthe à Tarascon, Tarascon, Élisée Aubanel, 1835.
Faillon Étienne Michel, Monuments inédits sur l’apostolat de sainte Marie-Madeleine en Provence et sur les autres apôtres de cette contrée, Saint Lazare, Saint Maximin, Sainte Marthe, les saintes Maries Jacobé, Salomé etc., 2 tomes, Paris, J.-P. Migne, 1848.
Frizet Yannick, « Louis XI et le partage familial de la dévotion » dans Raynaud Christiane (dir.) Familles royales : Vie publique, vie privée aux XIVe et XVe siècles,  Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2010, p. 145-184.
Lapeyre André, Louis XI mécène dans le domaine de l’orfèvrerie religieuse, Nogent-le-Rotrou, Daupeley-Gouverneur, 1986.


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