Heures d’Henry VIII

Auteur(s) :

Poyer, Jean

Commanditaire(s) :

Date(s) :

v. 1500

Dimension(s) :

L : 18cm / H : 25.6cm

Techniques / Matériaux :

Peinture sur parchemin

Lieu de conservation :

New York, The Pierpont Morgan Library, MS H. 8.

L’annonciation, Jean Poyer, v. 1500, enluminure sur parchemin extraite des Heures d’Henry VIII, 25,6 x 18 cm, New York, The Pierpont Morgan Library, Gift of the Heineman Foundation, 1977, MS H.8, f°30v°.
Crédits : https://www.themorgan.org/collection/hours-of-henry-viii/38

La Pierpont Morgan Library de New York conserve un livre d’heures de grand format contenant 14 miniatures en pleine page et 41 autres à mi-page aujourd’hui attribuées à Jean Poyer, l’un des plus illustres peintres tourangeaux de la fin du XVe siècle.

 

Une origine mystérieuse mais prestigieuse

Le nom du manuscrit, les Heures d’Henry VIII, repose sur une inscription apposée à la fin de l’ouvrage au XVIIIe siècle dans laquelle le livre est présenté comme ayant été offert par Charles Quint au roi d’Angleterre Henry VIII. Le souverain anglais né en 1491 n’a cependant pas pu être le destinataire de cette œuvre datée des années 1500 et dont les caractéristiques textuelles ne répondent en rien à un livre de dévotion pour enfant et ni à un Anglais. La qualité des enluminures attribuées à Jean Poyer laisse toutefois supposer une destination prestigieuse. En effet, l’enlumineur tourangeau eut pour commanditaires les rois de France Louis XI, Charles VIII et Louis XII mais également la reine Anne de Bretagne. Il réalisa ainsi pour elle un livre de prières destiné à l’éducation religieuse de son fils, le dauphin Charles-Orland (New York, The Morgan Library, MS M. 50) [Wieck, 2000, p. 9]. La commande des Heures d’Henry VIII doit donc, sans nul doute, être replacée dans ce même contexte même si l’absence de toute marque de propriété nous empêche d’en connaître l’auteur.

 

Un artiste à l’apogée de son art

Vierge à l’Enfant, Jean Poyer, v. 1500/1510, Enluminure sur parchemin extraite du Livre d’Heures d’Henry VIII, 23,4 x 17,2 cm, Paris, Musée du Louvre, Département des Arts graphiques, RF 3890, Recto.
Crédits : Photo © RMN-Grand-Palais (Musée du Louvre) – Thierry Le Mage

Dans son état actuel, le livre d’heures est incomplet : il a en effet été dépouillé de deux bifeuillets [Wieck, 2000, p. 182] qui comportaient des miniatures. Seule une Vierge à l’Enfant assise dans un cadre architectural à l’italienne [Avril, Reynaud, Cordelier, 2011, p. 184], qui introduisait la messe de la Vierge, a pu être identifiée.

Poyer a choisi deux formats pour ses miniatures. La plupart, quarante et une au total, sont divisées en deux registres à peu près égaux. Le registre supérieur présente des images tandis que le registre inférieur est composé de texte entouré de marges peintes en monochrome. Le calendrier suit ce modèle mais la partie supérieure qui est dédiée aux travaux agricoles de chaque mois occupe une proportion plus importante de la page, un tiers environ. Les autres miniatures, quatorze en tout, sont en pleine page et sont seulement rehaussées de baguettes dorées plus ou moins fines imitant le cadre d’un tableau.

 

 

Jean Poyer met en scène des personnages monumentaux dans des architectures à l’italienne ou dans des paysages sereins et lointains. La recherche de la perspective est particulièrement marquée dans les scènes d’intérieur. L’Annonciation (f. 30v), qui se déroule dans une salle largement ouverte sur l’extérieur, propose une progression visuelle qui se déroule par palier sans jamais s’interrompre. Les différents plans, bien que clairement définis par des éléments matériels (les arcs de la Loggia / la balustrade / la clôture du jardin / les murs de la ville) sont parfaitement articulés entre eux grâce au réseau de lignes directrices traversant le carrelage et les parterres du jardin en contrebas. Toutes ces lignes se dirigent vers un point de fuite situé au niveau de la porte de la cité fortifiée en arrière-plan. Dans le même temps, le garde-corps de la rampe d’accès au jardin située derrière les arcs de la loggia – rampe que le lecteur ne peut voir – suggère de manière convaincante une différence de niveau, ce qui renforce l’impression de profondeur. En dépit du peu d’espace disponible dans les miniatures à mi-page, le peintre a su créer des figures monumentales. Pour cela, il en a diminué le nombre et il les a disposées au premier plan, ce qui leur confère, grâce à la profondeur, des dimensions imposantes par rapport au décor à l’arrière-plan.

 

Le martyre de saint Sébastien, Jean Poyer, v. 1500, enluminure sur parchemin extraite des Heures d’Henry VIII, 25,6 x 18 cm, New York, The Pierpont Morgan Library, Gift of the Heineman Foundation, 1977, MS H.8, f°179r°
Crédits : https://www.themorgan.org/collection/hours-of-henry-viii/185

 

Dans le Martyre de saint Sébastien (fo179ro) l’effet est particulièrement prononcé et, en raison du cadrage très resserré, la tête du supplicié est tronquée dans sa partie supérieure. Le corps marmoréen du jeune homme, qui rappelle les modèles italiens, et notamment le Pérugin [Villa, 2017], se dresse au milieu de la composition, aussi grand et bien plus massif que les arbres derrière lui. Sans abandonner complètement les tons pastel qui caractérisent le Livre de prières d’Anne de Bretagne (v. 1492-1495), Poyer a donné plus d’intensité et de profondeur à sa palette. Il essaie sans doute par ce moyen de s’adapter au destinataire de l’ouvrage. Les couleurs tendres du manuscrit commandé par la reine, mais destiné à l’éducation du jeune dauphin, étaient probablement jugées plus en adéquation avec les goûts d’un enfant alors que les tons plus denses des Heures d’Henri VIII étaient plus appropriés à un adulte. Des traits fins à la peinture dorée, qui rappellent la manière de Bourdichon, donnant des reflets chatoyants aux étoffes ainsi que du relief aux vêtements.

Saint Sébastien, Pérugin (école), 4e quart du XVe siècle, Huile sur bois (peuplier), 176 x 116 cm, Paris, Musée du Louvre, Département des Peintures, RF 957.
Crédits : Photo © 2012 RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Tony Querrec

Le Livre d’Heures d’Henri VIII est un manuscrit d’une grande richesse où Poyer montre qu’il est un artiste accompli et en pleine possession de son art. Par ses qualités et son style, l’œuvre a été située aux alentours de 1500, période très féconde pour l’artiste.

 

Bibliographie

Avril Françoise, Reynaud Nicole, Cordellier Dominique (dir.), Les enluminures du Louvre, Moyen Âge et Renaissance, Paris, Hazan, 2011.
Chancel-Bardelot Béatrice de, Charron Pascale, Girault Pierre-Gilles, Guillouët Jean-Marie (dir.), Tours 1500. Capitale des arts, catalogue d’exposition au musée des Beaux-Arts de Tours du 17 mars au 17 juin 2012, Paris, Somogy, 2012, cat. 111 (notice de Mara Hofmann).
Villa Rafael, « Jean Poyer et la fortune du Pérugin en France », dans Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, T. 79, n° 3, 2017, p. 503-527.
Wieck Roger, Voelkle William, Hearne Michelle, The Hours of Henry VIII, A Renaissance masterpiece by Jean Poyet, New York, George Braziller, The Pierpont Morgan Library,  2000.


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