Grandes Chroniques de France

Auteur(s) :

Fouquet, Jean

Commanditaire(s) :

Charles VII?

Date(s) :

v. 1455-1460

Dimension(s) :

L : 350cm / H : 460cm

Techniques / Matériaux :

Parchemin

Lieu de conservation :

Paris, Bibliothèque nationale de France, département des manuscrits, ms. fr. 6465

Prise de Tours par Philippe Auguste, Jean Fouquet, 1455?-1460?, miniature sur parchemin extraite des Grandes Chroniques de France, Paris, BnF, Département des Manuscrits, Ms. Fr. 6465, f°223r°.
Crédits : Source gallica.bnf.fr / BnF

Les Grandes Chroniques de France est un manuscrit de provenance inconnue conservé à la Bibliothèque nationale de France sous la cote fr. 6465. Il a été illustré par Jean Fouquet, peintre tourangeau de la seconde moitié du XVe siècle qui travailla pour les plus hauts dignitaires du royaume. Bien que la provenance de l’ouvrage soit inconnue, la qualité des enluminures laisse supposer un commanditaire prestigieux.

 

Entrée de l’empereur Charles IV à Saint-Denis, Jean Fouquet, 1455?-1460?, miniature sur parchemin extraite des Grandes Chroniques de France, Paris, BnF, Département des Manuscrits, Ms. Fr. 6465, f°442r°.
Crédits : Source gallica.bnf.fr / BnF

 

Une commande royale ?

Banquet offert par Charles V à l’empereur de Bohême, Jean Fouquet, 1455?-1460?, miniature sur parchemin extraite des Grandes Chroniques de France, Paris, BnF, Département des Manuscrits, Ms. Fr. 6465, f°444v°.
Crédits : Source gallica.bnf.fr / BnF

Les Grandes Chroniques de France relatent l’histoire monarchique française selon un ordre chronologique, de ses origines mythiques troyennes jusqu’à l’avènement de Charles VI en 1380. La genèse de ce texte, plusieurs fois actualisé, remonte à 1274 lorsqu’un moine de l’abbaye de Saint-Denis rédigea pour Philippe III (1245-1285) le Roman des rois.

Le commanditaire du manuscrit de la BnF demeure anonyme. Une marque de propriété devait apparaître sur le premier feuillet qui est aujourd’hui aujourd’hui manquant. La qualité de l’exécution et l’iconographie des miniatures laissent toutefois supposer qu’il fut réalisé pour un haut personnage, voire pour le roi Charles VII lui-même. Le manuscrit, rédigé en français en écriture bâtarde, contient cinquante et une miniatures illustrant la vie d’un roi qui sont réparties régulièrement au début de chaque livre [Avril, 1987, p. 24]. Seule la visite de l’empereur Charles IV de Luxembourg au roi Charles V (fo440vo à 444vo) est relatée dans huit miniatures à la manière d’un autre manuscrit Grandes Chroniques ayant appartenu à la Couronne [Avril, 1987, p. 24],  ce qui accrédite l’hypothèse d’une commande royale.

 

Couronnement de Lothaire ; rencontre de Lothaire et de Richard Ier sans Peur, Jean Fouquet, 1455-1460?, miniature sur parchemin extraite des Grandes Chroniques de France, Paris, BnF, Département des Manuscrits, Ms. Fr. 6465, f°163r°.
Crédits : Sources gallica.bnf.fr / BnF

 

Des illustrations au service du récit 

L’examen du texte permet de distinguer deux phases d’écriture [Avril, 1987, p. 33]. La première est située vers 1420-1430, alors que Charles VII est dauphin de France, et comprend les feuillet 1 à 240.

Couronnement de Charles VI, Jean Fouquet, 1455-1460?, miniature sur parchemin extraite des Grandes Chroniques de France, Paris, BnF, Département des Manuscrits, Ms. Fr. 6465, f°457v°.
Crédits : Source gallica.bnf.fr / BnF

La seconde, vers 1450-1460, concerne le reste de l’ouvrage qui est contemporain à la réalisation de toutes les images. Pendant cette phase, le second scribe a réservé, sans doute à la demande du peintre, un espace plus important aux vignettes au sein du texte. Deux formats d’image se distinguent donc, auxquelles Fouquet a cherché à s’adapter. Pour les premières, il privilégie des paysages ouverts et des arrière-plans assez développés. Les personnages sont de taille réduite mais assez nombreux, ce qui permet de juxtaposer plusieurs scènes dans une même vignette. En revanche, il a profité de l’espace plus important dans la seconde partie pour donner une monumentalité nouvelle aux protagonistes, par le choix d’un cadrage plus rapproché notamment. Il suffit de comparer le Couronnement de Lothaire (fo163ro) et le Couronnement de Charles VI (fo457vo), dont le thème est semblable, pour percevoir ces changements.

 

L’utilisation d’une palette restreinte permet de créer une unité d’ensemble dans tout l’ouvrage. Le bleu royal domine l’univers visuel des miniatures, allant jusqu’à la saturation chromatique comme dans certains épisodes de réceptions ou de sacres se déroulant devant de grandes tentures fleurdelisées (Sacre de Louis VIII, Hommage rendu par Édouard Ier à Philippe le Bel, Charles V donnant l’épée de connétable à Du GuesclinCharles V reçoit les ambassadeurs de l’empereur, Couronnement de Charles VI). Le carmin, le vert et le jaune doré, dans des nuances assez franches, colorent les vêtements alors que des tons plus tendres de vert, de gris et de bleu sont employés pour les paysages et les architectures.

 

Comme dans les Heures Chevalier, Fouquet excelle dans la restitution des villes et des monuments et, dans le Miracle de Dagobert endormi dans l’église de Saint-Denis (fo57ro) par exemple, il offre une vue lointaine sur Paris, qui demeure cependant bien identifiable grâce à ses édifices remarquables. Le peintre n’a pas recherché systématiquement la vérité historique en faisant coïncider les décors, les édifices et les costumes avec l’époque où se sont déroulés les faits et, s’il a replacé le sacre de Charlemagne dans l’antique basilique Saint-Pierre (fo89vo), c’est parce qu’il avait pu l’admirer pendant son séjour italien dans les années 1440 [Avril, 1987, p. 53]. L’intérieur de l’édifice est restitué au travers d’une construction géométrique minutieuse, la vue frontale soulignant la solennité de l’évènement. Les illustrations témoignent de la réflexion profonde menée sur les moyens à mettre en œuvre pour créer un espace convaincant et adapté à la trame narrative de chaque épisode. Ceci est particulièrement frappant dans l’Arrivée de l’empereur Charles IV à Saint-Denis (fo442ro) qui, par ses dimensions et sa qualité, occupe une place à part au sein manuscrit. La scène est représentée selon les principes de la perspective curvilinéaire : les lignes horizontales du dallage sont incurvées vers l’intérieur et créent un mouvement arrondi qui est également  accentué par la silhouette des maisons et par le profil du cadre en lunette. Ce procédé permet d’agrandir l’espace et de donner un aspect dynamique au cortège impérial. Cette conception de l’espace s’oppose à celle du Banquet offert par Charles V à l’empereur de Bohême (fo444vo) où la salle, structurée autour de lignes horizontales et verticales, permet de souligner le caractère officiel, et par conséquent assez rigide, de la réception [Avril, 1987, p.63-64].

Le thème des miniatures évolue au sein de l’ouvrage. Au fil de pages, l’accent est progressivement mis sur le caractère officiel et protocolaire des épisodes. Aux nombreuses scènes de batailles et de sièges de la première partie succèdent en effet les rencontres entre monarques, les couronnements et les mariages où, dans un souci du détail, l’enlumineur intègre le portrait de certains protagonistes, notamment pour les évènements les plus récents [Avril, 1987, p. 53].

 

Les Grandes Chroniques de la BnF est un ouvrage richement illustré où Jean Fouquet, remarquable portraitiste et peintre religieux, déploie ses talents dans le genre de la chronique historique.

 

Bibliographie

Avril François, Gousset Marie-Thérèse, Guenée Bernard, Les Grandes Chroniques de France, Paris, Philippe Lebaud, 1987.
Avril François (dir.), Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle, catalogue de l’exposition de la BnF du 25 mars au 22 juin 2003, Paris, BnF, Hazan, 2010, cat. 26.


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