Cheminée de l’hôtel Bohier

Auteur(s) :

Commanditaire(s) :

Date(s) :

v. 1520

Dimension(s) :

L : 340cm

Techniques / Matériaux :

Pierre polychromée et dorée

Lieu de conservation :

La Riche, Château du Plessis

La Riche. Château de Plessis-lès-Tours : musée de la soierie, installé dans le grenier, cheminée, André Arsicaud, Robert Arsicaud, 1956, Archives départementales d’Indre-et-Loire, collections de Touraine, 5Fi004494.
Crédits : Archives départementales d’Indre-et-Loire, 5Fi004494

En 1933-1934, Monsieur et Madame Martin-Rayon léguèrent la cheminée dite de la Boule d’or à la Ville de Tours. Ils conservèrent cependant la statuette qui en ornait la niche. La cheminée fut remontée dans une salle du rez-de-chaussée du château du Plessis-lès-Tours (La Riche) transformée depuis en salle de spectacle, dont les gradins la masquent aux trois quarts. Ainsi invisibilisée, la cheminée fut en outre exposée à des détériorations, car les gradins de la salle prenaient appui dessus. Remontée dans un état remarquable de conservation comme en témoignent les vues anciennes, il manque aujourd’hui un important morceau de la corniche du manteau, déjà tombé en 1963, dont les fragments ont été retrouvés dans le grenier en 2015 par Natalie Cholodenko et Morgane Malenfant (Fiche inv. G6 à G10).

 

Cheminée (XVe s.) d’une salle de l’ancien hôtel de Thomas Bohier, constructeur du château de / Chenonceaux. (Aujourd’hui, salle à manger de l’« hôtel de la Boule-d’Or », 29, rue Nationale.), Neurdein Frères Dit ND Phot., 1913, carte postale, Tours, Archives départementales d’Indre-et-Loire, collections de Touraine, 10Fi261-1868.
Crédits : © Archives départementales d’Indre-et-Loire, 10Fi261-1868.

 

Cette cheminée provient de l’hôtel de la Boule d’Or qui prenait place au 29 rue nationale de la ville de Tours (détruit en 1940). La tradition orale voudrait que l’hôtel de la Boule d’Or et sa cheminée aient appartenu à l’hôtel de Thomas Bohier, commanditaire du château de Chenonceau [Cholodenko, Malenfant, 2015, vol. 1, p. 26]. Cette hypothèse est issue de la découverte par l’abbé Bosseboeuf, membre de la Société Archéologique de Touraine, des titres d’une maison sise au 13 rue des Halles, attestant que celle-ci était l’un des corps de logis de l’hôtel de la Falluère, originellement bâti par Thomas Bohier entre 1500 et 1510 : « On peut conclure de ces faits que la belle cheminée qui se trouve dans l’hôtel actuel de la Boule d’Or a été faite par les ordres de ce riche financier » [Grandmaison, 1899, p. 197]En 1853, une partie de l’hôtel de la Falluère, devenu auberge sur la rue Nationale, prit le nom d’hôtel de la Boule d’Or [Base POP, IA00071428]. 

Cette cheminée monumentale est un rare témoin de la richesse de la décoration intérieure d’une demeure exceptionnelle de la Première Renaissance tourangelle. Le décor couvrant nappe aussi bien les piédroits, la plate-bande que la hotte. Les piédroits portent un pilastre orné d’un disque au centre et d’un demi disque à ses extrémités. Le couronnement du piédroits reçoit une console à double volute formée d’une feuille d’acanthe et décorée sur les trois faces.

 

Détails du piédroits. La Riche. Château de Plessis-lès-Tours : musée de la soierie, installé dans le grenier, cheminée, André Arsicaud, Robert Arsicaud, 1956, photographie, Tours, Archives départementales d’Indre-et-Loire, collections de Touraine, 5Fi004494.
Crédits : © Archives départementales d’Indre-et-Loire, 5Fi004494

 

La plate-bande est sculptée de motifs floraux stylisés et d’un chapelet. La hotte divisée en deux registres est encadrée de pilastres sculptés d’un vase et de candélabres végétaux. Dans le registre inférieur, se dégagent des rinceaux issus de la queue des oiseaux qui picorent la couronne d’un masque situé au centre.

 

Détail de la plate-bande et du registre inférieur de la hotte. La Riche. Château de Plessis-lès-Tours : musée de la soierie, installé dans le grenier, cheminée, André Arsicaud, Robert Arsicaud, 1956, photographie, Tours, Archives départementales d’Indre-et-Loire, collections de Touraine, 5Fi004494.
Crédits : © Archives départementales d’Indre-et-Loire, 5Fi004494.

 

Couverte d’une coquille, la niche centrale (dont la statuette fut retirée en 1933-1934) est encadrée par deux panneaux sculptés d’un Candélabre enchaîné par des rinceaux. Les panneaux délimités par des pilastres sont surmontés de frontons cintrés portant deux dauphins dont la queue est liée par un trident. Trois corniches à ressauts ornés d’oves, de feuilles de chêne et de palmettes délimitent horizontalement la plate-bande et les deux registres de la hotte. Une tresse couronne la dernière corniche qui descend le long du mur, encadrant l’ensemble de la cheminée.

 

Détail du registre supérieur de la hotte; La Riche. Château de Plessis-lès-Tours : musée de la soierie, installé dans le grenier, cheminée, André Arsicaud, Robert Arsicaud, 1956, photographie, Tours, Archives départementales d’Indre-et-Loire, collections de Touraine, 5Fi004494.
Crédits : © Archives départementales d’Indre-et-Loire, 5Fi004494.

 

La polychromie dorée originelle de cette cheminée a été badigeonnée d’un lait de chaux à une date inconnue, avant d’être restaurée sans doute au début du XXe siècle [Bonnin, 1980, p. 100-102]. La disposition des pilastres encadrant des niches se rencontre sur certaines cheminées de l’aile François Ier au château de Blois [Base POP, IVR24_19764102459XB] [Noblet, 2000, p. 300]. Le modèle de niche couverte d’une coquille et recevant une statue de femme appelle la comparaison avec le décor du tombeau de Renée d’Orléans-Longueville [Musée du Louvre], réalisé vers 1515-1520. Enfin, les motifs des dauphins et des oiseaux issus de rinceaux aux tiges filiformes et aux feuilles pleines qui contrastent avec l’utilisation d’ornements vigoureux comme les tresses et les lignes d’oves sont à rapprocher des œuvres des frères François, notamment la tour Nord de la cathédrale et le cloître Saint-Martin.

Son décor et ses dimensions monumentales – une hotte large de 3,40m, à titre de comparaison celle de l’Hôtel dit Maison de Tristan L’Hermite au rez-de-chaussée fait 2,72 m – démontrent qu’il exista à Tours au moins un édifice dont la cheminée pouvait rivaliser avec celles des prestigieux hôtels d’Alluye (Blois) [Base POP, APMH0107082] et Lallemant (Bourges) [Base POP, APMH050449] [Bonnin, 1980, p. 99 ; Guillaume, 2012, p. 101]. 

 

Bibliographie

Base POP, IA00071428.
Bonnin Martine, Marcadet Suzanne, Cahein Gilberte, Toulier Bernard,  « Quelques éléments du décor », dans L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoires de la Société archéologique de Touraine, série 4°, T. 10, 1980, p. 95-105.
Cholodenko Natalie, Malenfant Morgane, Inventaire lapidaire du château du Plessis-lès-Tours,  mémoire de licence d’Histoire de l’Art, Université François Rabelais, Tours, 2015, 2 vol.
Grandmaison Louis de, « Procès verbal de la séance du 28 juin 1899 », dans Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, T. 12, 1899, p. 193-197.
Guillaume Jean, « L’architecture “antique” à Tours: premières expériences », dans Art et société à Tours au début de la Renaissance, éd. Brepols, 2016, p. 241-254.
Guillaume Jean, « Les débuts de l’architecture de la Renaissance à Tours » dans Tours 1500 Capitale des Arts, Somogy Paris 2012, Musée des Beaux-Arts, Tours, 2012, p. 91-104.
Noblet Julien, « Les cheminées dans l’architecture de la première Renaissance en Touraine», dans Bulletin de la Société Archéologique de Touraine, Tours, T. 46, 2000, p. 281-301.


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