Livre de prières d’Anne de Bretagne

Auteur(s) :

Poyer, Jean

Commanditaire(s) :

Bretagne, Anne de

Date(s) :

v. 1492-1495

Dimension(s) :

L : 8cm / H : 12.6cm

Techniques / Matériaux :

Peinture sur parchemin

Lieu de conservation :

New York, The Pierpont Morgan Library, MS M. 50

Anne de Bretagne agenouillée devant son confesseur, Jean Poyer, v. 1492-1495, enluminure extraite du Livre de prières d’Anne de Bretagne, New York, Morgan Pierpont Library, Ms 50, f°10v°, publiée dans Mahyeuc Yves, 1462-1541, Rennes en Renaissance, Rennes, PUR, 2010.

Ce livre de prières richement illustré a été réalisé pour Anne de Bretagne qui a été représentée au feuillet 10vo agenouillée à côté de son confesseur. Par son style, l’ouvrage a été attribué à Jean Poyer, l’un des principaux peintres tourangeaux de la fin du XVe siècle qui travailla pour les plus hauts dignitaires du royaume et pour le couple royal. En effet, il reçut en 1497 un paiement de la part de la reine pour l’illustration d’un petit livre d’heures qui comportait vingt-trois miniatures.

Pietà, Jean Bourdichon, v.1498-1502, enluminure sur parchemin extraite des Heures de Louis XII, 27,5 x 19 cm, Philadelphie, Free Library, Lewis E M 11:15A.
Crédits : https://libwww.freelibrary.org/digital/item/3212

Si cette commande a été rapprochée d’une Pietà conservée à Philadelphie (Philadelphie, Free Library), aucune œuvre documentée n’est parvenue jusqu’à nous, alors que Poyer jouissait de son vivant d’une excellente renommée.

Le manuscrit new-yorkais, qui a été rédigé dans une écriture bâtarde, comprend trente-quatre miniatures. Toutes les pages enluminées sont composées selon un même modèle : l’image et les trois lignes de texte qui l’accompagnent sont entourées d’une bordure composée des lettres A, N et E, les initiales de la commanditaire. Les couleurs des marges et les motifs encadrant les lettres varient à chaque page, mais ces derniers sont toujours formés de la cordelière,  un des emblèmes de la reine. Le portrait du jeune homme agenouillé sur un coussin en prière devant une apparition divine représente, comme le col d’hermine l’indique, un membre de la famille royale. L’absence de tout autre attribut royal et la jeunesse du modèle suggèrent qu’il s’agit de Charles-Orland, l’un des fils d’Anne et de Charles VIII, décédé prématurément en 1495 à l’âge de 3 ans et qui, pendant sa courte vie, fut dauphin de France. L’ouvrage était donc un livre d’éducation religieuse qui aurait dû accompagner le prince jusqu’à son adolescence, raison pour laquelle il est figuré sous les traits d’un enfant d’une douzaine d’années, âge qu’il n’atteignit jamais. La reine était soucieuse de transmettre ses dévotions personnelles à son fils comme le prouvent les similitudes entre les suffrages du livre et ceux des Grandes Heures d’Anne de Bretagne [Les manuscrits à peintures, 1993, p. 307]. L’intégralité du volume est rédigée en latin à l’exception de la prière à la Vierge introduite par la Lamentation (fo21vo et 22) qui est en français.

Malgré l’espace réduit dont il dispose, Jean Poyer parvient, grâce à sa maîtrise de la perspective et de la profondeur, à créer des cadres architecturaux parfaitement articulés, que ce soit dans les scènes d’intérieur (l’Éducation de la Vierge, fo13) ou dans des scènes de rue (Saint Nicolas remettant une dot à trois filles pauvres, fo14vo). Les paysages montueux, ponctués d’arbustes et parfois de villes fortifiées (Le Massacre des onze mille vierges, fo17vo), sont traités dans une large gamme de tons verts et bleutés qui s’assombrissent dans le lointain, alors que le ciel s’éclaircit à l’approche de la ligne d’horizon. Ce traitement si particulier de l’atmosphère, et propre à l’art de Poyer, se retrouve aussi bien dans ses œuvres les plus précoces (le Retable du Liget, 1485) que dans les plus tardives (les Heures d’Henry VIII, v. 1500). D’autres éléments comme les  vêtements et les chapeaux orientaux des prophètes (Prophète David, fo2vo) et les architectures à l’italienne (Anges portant la couronne d’épines, fo30) rappellent les Heures Briçonnet (v. 1485-1490) dont la réalisation est légèrement antérieure à celle du livre de prières. Celui-ci, par son style, s’éloigne sensiblement des premières œuvres de Poyer. La touche est rapide et les coups de pinceau visibles, à l’opposé de la manière appliquée et des contours nets et fermes du retable lochois [Wieck, 2000, p. 24]. La palette a également évolué. Les tons pastel et lumineux dominent, avec une prédilection pour le rose dragée, le lilas et le bleu pâle. Certaines miniatures qui sont peintes des dans nuances de gris et de blancs légèrement bleutés évoquent même l’art de la grisaille (Hélène identifiant la vraie Croix, 26vo) [Les manuscrits à peintures, 1993, p. 314]. Le changement de chromatisme d’un ouvrage à l’autre semble résulter d’un choix volontaire de la part du peintre qui cherche ainsi à s’adapter à sa clientèle [Les manuscrits à peintures, 1993, p. 318], et non d’une évolution dans sa manière. En effet, après avoir expérimenté, dans le livre de prières d’Anne de Bretagne, des tons clairs et nuancés, probablement jugés plus féminins ou enfantins, Poyer revint, dans les Heures de Jean Lallemant l’Aîné (Londres, British Library, v. 1498), une commande destinée à un homme, aux couleurs saturées et aux contrastes tranchés comme dans les Heures Briçonnet  [Les manuscrits à peintures, 1993, p. 318].

 

Bibliographie

Avril François, Reynaud Nicole, Les Manuscrits à peinture en France, 1440-1520, catalogue de l’exposition de la Bibliothèque nationale de France du 16 octobre 1993 au 16 janvier 1994, Paris, Flammarion, 1993.
Plummer John, The last flowering, French painting in manuscripts, 1420-1530, from american collections, New York, The Pierpont Morgan Library, 1982, p. 88-89.
Wieck Roger, Voelkle William, Hearne Michelle, The Hours of Henry VIII, A Renaissance masterpiece by Jean Poyet, New York, George Braziller, The Pierpont Morgan Library,  2000, p. 24-26.


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