Au début de la Renaissance, comme aux périodes antérieures, le terme de tapissier recouvrait plusieurs sens : il pouvait désigner le lissier, le marchand de tapisseries ou l’artisan qui entretenait, réparait et installait les tapisseries ou d’autres textiles meublants. Dans le contexte de la cour, le tapissier était un officier qui s’occupait de la garde et du transport des tentures des collections royales [Vrand, 2013]. Il suivait le souverain dans ses déplacements et se chargeait de tendre les murs des résidences de tapisseries ou de tissus. Des mentions comptables concernant des artisans tourangeaux en offrent des exemples. Les comptes du château de Gaillon enregistrent en 1508 un paiement adressé à « Jehan Alexandre, tappissier, demourant à Tours, pour ce qu’il a fait et fourni pour ladite chambre de velours vert » pour une somme modique de onze livres qui recouvre des travaux d’entretien [Deville, 1850, p. 343]. Par ailleurs, Antoine Boutet, tapissier et valet de chambre d’Anne de Bretagne demeurant dans la paroisse Saint-Saturnin à Tours [Renumar, 28 janvier 1503], est mentionné dans les comptes de la reine en 1492 comme « tapissier » et « coffretier-malletier », ce terme renvoyant aux coffres dans lesquels étaient entreposées les tentures lors de leur transport [Vrand, 2013].
Dans les années 1520, des ateliers de tapisserie s’établissent pour la première fois à Tours. Deux lissiers parisiens au service du roi, Nicolas de Mortaigne et son frère (?) Pasquier, recrutèrent deux apprentis tourangeaux Raoulyn Pygarnier et Philippe Regnard [Giraudet, 1885, p. 299], et Jean Duval, assistant et gendre de Nicolas de Mortaigne, qui allait devenir une personnalité importante dans la profession, s’installa dans la ville vers 1535 après avoir effectué son apprentissage à Paris. Son atelier fut repris à sa mort en 1552 par son fils aîné Étienne.
La production de Jean Duval est connue par deux mentions d’archives : l’une concerne deux tapisseries de l’histoire de saint Pierre acquises en 1535 par la confrérie de Saint-Sébastien (une pièce conservée à Notre-Dame de Nantilly de Saumur) [Parures de fêtes, cat. 11], l’autre, un « tappiz de haulte lyce de menue verdure fine » acheté en 1542 par la municipalité tourangelle (disparu) [Giraudet, 1885, p. 146 ; Parures de fête, p. 50]. Son œuvre est complétée par des attributions reposant sur des parentés formelles. Ainsi les spécialistes ont rattaché à son œuvre une tenture de six pièces de la vie de saint Pierre, acquise entre 1542 et 1546 par la confrérie du Saint-Sacrement de l’église Saint-Pierre de Saumur (encore en place) [Parures de fêtes, cat. 12] et celle de la Vie de saint Saturnin (Langeais, Angers) tandis que la Tenture de la Vie de la Vierge, en deux pièces, de l’église Notre-Dame de Nantilly de Saumur est placée dans sa mouvance.
Les petits patrons de la Vocation de saint Pierre furent exécutés par Jean de Pozay, peintre demeurant à Bourgueil, et ceux des panneaux de La Vie de saint Pierre par les artistes angevins Robert Delisle et Jean de Lastre. Les modèles de La Vie de saint Saturnin sont attribués à André Polastron, probablement le nom francisé d’Andrea Squazella, un élève d’Andrea del Sarto. L’atelier de Duval comptait également un peintre capable de rectifier les erreurs des cartons à grandeur d’œuvre confiés aux lissiers comme le prouvent les corrections apportées à deux des modèles de la Vie de saint Pierre [Parures de fête, p. 235-236]. Peut-être s’agissait-il l’un des fils de Jean Duval : Macé qualifié de « peintre tapissier » dans les registres de Saint-Saturnin le 8 juin 1578, ou Hector également connu comme peintre [Bosseboeuf, 1914, p. 243-244].
Bibliographie
Base Renumar.
Bosseboeuf Louis-Auguste, La Manufacture de tapisseries de Tours, Mémoires de la Société archéologique de Touraine, T. 63, 1914, p. 173-362.
Deville Achille, Comptes de dépenses de la construction du château de Gaillon, Paris, Imprimerie nationale, 1850.
Giraudet Eugène, Les artistes tourangeaux, architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs, graveurs, orfèvres, peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse, notes et documents inédits, Tours, Impr. de Rouillé-Ladevèze, 1885.
Parures de fête, splendeurs des tapisseries des collections de Saumur, catalogue de l’exposition de l’abbaye royale de Fontevraud du 18 septembre au 10 novembre 2019, Gand, Snoeck, 2020.
Vrand Caroline, « « Tendre » et « destendre » : l’ameublement des résidences royales à la fin du Moyen Âge », dans Livraisons de l’histoire de l’architecture, 25, 2013, p. 109-116.