Né à Bourges entre 1395 et 1400, Jacques Cœur était le fils de Jean Cœur qui avait fait fortune en tant que marchand pelletier fournissant la cour du duc Jean de Berry. D’abord formé au commerce, son alliance avec Macée de Léodepart, fille du chancelier du duc Jean, en 1420, lui permit de se familiariser avec les métiers de l’argent. Profitant de l’installation dans sa cité du dauphin Charles (le futur Charles VII), Jacques Cœur se lança dans le monnayage, mais il rencontra là ces premières difficultés. Les besoins monétaires toujours plus importants du roi poussèrent Jacques et ses associés à produire de la monnaie « au-dessous du titre légal ». Accusés de fabriquer de la fausse monnaie, le roi finit par les amnistier en 1429 [Chermette, 1996, p. 3].
Trois ans plus tard, il monta une nouvelle compagnie mais de commerce cette fois-ci avec les frères Godard. Cette association commerciale avait pour objectif de pourvoir le roi et la cour en marchandises importées d’Orient. Le berruyer fit lui-même le voyage jusqu’en Orient pour sélectionner des marchandises mais il perdit sa cargaison dans un naufrage au large de la Corse. Sans se laisser abattre, Jacques décida de monter sa flotte et de s’implanter dans les ports de Montpellier et Aigues-Mortes avec succès et dès les années 1435-1440, il était l’un des plus grands marchands maritimes du royaume [Chermette, 1996, p. 5] et alla jusqu’à être en position de monopole sur le grand commerce [Clément, 1853, p. 41].
Fort de son succès, le roi le nomma maître de la monnaie de Paris en 1436 puis en fit son argentier du roi deux ans plus tard. Sa position et sa fortune le rendirent à même de prêter de l’argent à des personnages influents de la cour parmi lesquels Jean de Xaincoins ou encore le comte de Foix [Clément, 1853, p. 33].
Sa carrière prit une nouvelle direction quand il entra au Grand Conseil en 1445 dans lequel il siège jusqu’en 1451. Il devint également un ami et confident d’Agnès Sorel, la maîtresse du roi depuis 1444. Au plus proche du souverain, il remplit alors dans missions diplomatiques pour le royaume. Son intervention permit notamment de convaincre l’anti-pape Félix V de céder sa place au vrai pape.
Lorsque le roi s’installa à Tours, Jacques Cœur suivit la cour et s’établit lui aussi dans la cité tourangelle. Il emporta avec lui les armuriers qu’il avait fait venir de Lombardie mais aussi le magasin de l’argenterie qu’il implanta d’abord place Foire-le-Roi [Dauvet, 1952, p. 29]. à partir de 1451, il entreprit de se faire bâtir, à proximité de l’église Saint-Saturnin, un palais urbain qui aurait dû égaler la splendeur de son palais de Bourges [Chevalier, Guillaume Briçonnet, p. 61-62]. Le journal du procureur Dauvet, responsable de l’inventaire des biens de l’argentier en disgrâce, indique que les travaux de l’hôtel étaient déjà bien avancés lors de sa condamnation. Un escalier de 87 marches avait notamment déjà été installé [Dauvet, 1952, p. 490].
La mort d’Agnès Sorel marqua la fin de son ascension. Bien que le médecin du roi ait écarté l’empoisonnement comme cause de la mort et que Jacques ait été son exécuteur testamentaire, le marchand fut accusé de son assassinat. Il fut arrêté le 30 juillet 1451 sur la base de plusieurs chefs d’accusation. L’affaire de la fausse monnaie ressurgit en même temps que s’ajoutèrent notamment des accusations de commerce avec des infidèles et que les soupçons demeurèrent autour de la mort d’Agnès. À l’issue de son procès, l’argentier fut condamné à la prison à perpétuité, il ne dut la vie qu’à l’intervention du pape Nicolas V. En octobre 1454, après 29 mois de captivité, Jacques Cœur parvint à s’échapper du château de Poitiers où il était incarcéré. Il s’enfuit alors pour Rome où il se mit au service du pape. Il prit part à la croisade organisée par le pape contre les Turcs et trouva la mort à Chios en 1456 [Chermette, 1996, p. 13] lors d’une croisade contre les Turcs.
Saisis au moment de son arrestation, ses nombreux biens furent inventoriés et liquidés par le procureur Dauvet et Jean Briçonnet l’aîné [Clément, 1853, p. 178]. La maison de l’argenterie fut alors mise à prix à 1200 écus [Dauvet, 1952, p. 54].
Bibliographie
Chermette, « Jacques Cœur », dans Bulletin mensuel de la Société linnéenne de Lyon, 65ᵉ année, n°6, juin 1996. p. 1-13.
Clément, Jacques Cœur et Charles VII, ou La France au XVe siècle, Paris, Librairie de Guillaumin et Cie, 1853, p. 464.
Dauvet Jean, Les affaires de Jacques Cœur. Journal du procureur Dauvet, procès- verbaux de séquestre et d’adjudication, édité par Michel Mollat, Paris, librairie Armand Colin, 1952-1953.