Pièce 1 : La vocation de saint Saturnin : H. 257 ; L. 325 cm
Pièce 2 : Les adieux de saint Pierre à saint Saturnin : H. 259 ; L. 320 cm
Pièce 3 : Le martyre de saint Saturnin : H. 260 ; L. 315 cm
Jacques de Beaune-Semblançay commanda vers 1525 une tenture de la vie de saint Saturnin pour l’église Saint-Saturnin de Tours et se fit représenter en prière avec sa femme dans la scène du martyre du saint [Tours 1500, p. 65]. Après sa mort en 1527, les tapisseries, à peine terminées, furent saisies par la couronne et ne furent restituées à l’église qu’en 1534 [Bosseboeuf, 1904, p. 205]. Elles furent dispersées à la Révolution.
La tenture est aujourd’hui connue par quatre panneaux mais on ignore toutefois sa composition initiale. Thibault Lepleigney, qui en fait l’éloge en 1541, ne la décrit pas dans le détail. En 1780, Benoist de la Grandière mentionne huit pièces. Un inventaire révolutionnaire en décrit deux. Récemment, Étienne Vacquet, en se fondant sur les mesures des tapisseries lors de la saisie révolutionnaire, a montré que chaque pièce comportait en réalité deux scènes reliées par une bordure architecturée : les quatre tapisseries connues correspondent donc en fait à deux panneaux de la tenture [Vacquet, 2007, 26].
Des quatre panneaux subsistant de la Vie de saint Saturnin (La vocation de saint Saturnin, Le Christ choisit saint Saturnin parmi les soixante-douze, Les adieux de saint Pierre à saint Saturnin, Le martyre de saint Saturnin), il n’en reste que trois. La deuxième scène, celle de l’appel du Christ, a en effet été volée en 1926 au trésor de la cathédrale d’Angers. Ce dernier l’avait reçue en 1853 avec deux autres tapisseries un temps conservées dans l’église Saint-Maurice de Chinon. La vocation de saint Saturnin fut quant à elle donnée au château de Langeais en 1904 par un collectionneur privé qui l’avait achetée en 1891 à un marchand parisien.
Saint Saturnin, dont le martyre et la translation des reliques sont relatés dans la Passio sancti Saturnini au Ve siècle, fut le premier évêque de Toulouse (vers 250). L’iconographie de la tenture se fonde sur la légende qui se développa à partir d’une mauvaise lecture du Livre des martyrs de Grégoire de Tours (VIe siècle) [Histoire de saint Saturnin, 1840, p. 7], selon laquelle, Saturnin fut un des disciples de Jean-Baptiste puis du Christ avant d’être envoyé par saint Pierre en mission évangélisatrice en Gaule. La première tapisserie évoque le moment où Saturnin, touché par la prédication de Jean-Baptiste, décide de quitter sa famille pour suivre le Christ. Cet épisode se prolongeait dans la pièce volée en 1926 où Saturnin fait partie des soixante-douze disciples qui accompagnent Jésus. Dans la troisième scène, Saturnin reçoit la crosse épiscopale des mains de saint Pierre figuré en pape. Saint Paul, reconnaissable à son épée, lui adresse sa mission d’évangélisation. La dernière pièce de la tenture relate le martyre de l’évêque toulousain : refusant de sacrifier aux dieux païens, il est attaché par les pieds à un taureau qui, en dévalant le Capitole, lui fracasse le crâne sur les marches du temple [Bertrand, 1996, p. 283-287].
La composition de chaque tapisserie est identique : une scène principale au premier plan et des scènes secondaires à l’arrière. Dans Les adieux de saint Pierre à saint Saturnin, les formes architecturales évoquent à la fois les traditions françaises et italiennes selon une organisation spatiale peu vraisemblable. Dans la scène du Martyre, le Capitole est en revanche clairement évoqué par un temple à l’antique monumental, orné de pilastres à candélabres, de caissons à fleurons et de colonnes en marbre. Il abrite des processions païennes, alors qu’au premier plan, devant l’architecture, gît saint Saturnin martyrisé devant le couple de Beaune en prière. Les bordures d’architecture feinte, associant pilastres et entablement, portent un ornement à l’antique de grotesques sur fond bleu. Un long phylactère court dans la partie basse et livre la description de chaque scène.
Depuis l’ouvrage qu’Alfred Spont consacra à Jacques de Beaune en 1895, les modèles des tapisseries sont attribués à Andrea Polastron, identifié à Andrea Sguazzella [Grandmaison, 1904, p. 236 ; Cordellier, 2011], un élève d’Andrea del Sarto venu s’installer en France à partir de 1518 et dont le baron de Semblançay possédait des oeuvres. Le tissage a probablement été réalisé dans un atelier tourangeau comme le montrent les motifs des bordures identiques à ceux de la tenture de la Vie de la Vierge (Saumur, église Notre-Dame de Nantilly) et de la Vie de saint Pierre (Saumur, église Saint-Pierre), laquelle a été tissée à Tours par les ateliers Duval entre 1542 et 1546. Les bordures sont en outre très proches d’une autre tapisserie de l’atelier Duval (1535-1538), la Vocation de saint Pierre de l’église Notre-Dame de Nantilly de Saumur [Vacquet, 2007, p. 31 ; Parures de fête, 2020, cat. 11 ].
Bibliographie
Bertrand Pascal-François, « De l’évêque au martyr : la légende de saint Saturnin dans la tapisserie moderne (1527-1649) », dans Saint-Saturnin de Toulouse, IXe centenaire, Toulouse, Association du Neuvième centenaire, 1996, p. 271-304.
Bertrand Pascal-François, « Les ateliers secondaires de tapisserie en France : méthode d’analyse », dans Massin-Le Goff Guy, Vacquet Étienne (dir.), Regards sur la tapisserie, actes du colloque d’Angers du 18 au 20 mai 2000, Arles, Actes sud, 2002, p. 27-42.
Bosseboeuf Louis-Auguste, « La manufacture de tapisserie de Tours », dans Mémoires de la Société archéologique de Touraine, 43, 1904, p. 173-362.
Chancel-Bardelot Béatrice de, Charron Pascale, Girault Pierre-Gilles, Guillouët Jean-Marie (dir.), Tours 1500. Capitale des arts, catalogue d’exposition au musée des Beaux-Arts de Tours du 17 mars au 17 juin 2012, Paris, Somogy, 2012, cat. 8 (notice de d’Étienne Vacquet).
Cordellier Dominique, « Précisions sur quelques apports des peintres florentins à l’art en France », dans Elsig Frédéric (dir.), Peindre en France à la Renaissance, t. I, Milan, Silvana Editoriale, 2011, p. 283-307.
Parures de fête, splendeurs des tapisseries des collections de Saumur, catalogue de l’exposition de l’abbaye royale de Fontevraud du 18 septembre au 10 novembre 2019, Gand, Snoeck, 2020
Vacquet Étienne, « Pour un corpus des tapisseries tourangelles réalisées sous François Ier », Revue de l’art, 157, 2007-3, p. 23-33.