Au revers de la façade sud du transept de la cathédrale Saint-Gatien, l’orgue s’adapte parfaitement aux dimensions de cette architecture monumentale. Pourtant son emplacement est peu commun, la majorité des orgues sont placés sur des tribunes situées au fond de la Nef. Les orgues de la cathédrale de Reims et du Mans sont également des exemples d’orgue placé en fond de transept, respectivement dans le bras nord et dans le bras sud. Les instruments acquièrent des dimensions de plus en plus importantes, il devient nécessaire de les placer sur des tribunes adaptées à leurs dimensions et correctement fixées aux maçonneries. Son emplacement se conditionne aussi en fonction de la propagation du son. Des travaux sur les portails et les tours de la façade ouest de la cathédrale Saint-Gatien s’échelonnent tout le long du XVe et XVIe siècles [Devienne, 2010, p. 38]. Le bras nord du transept souffre de plusieurs fragilités. Pour plusieurs raisons, le bras sud est donc le plus indiqué pour recevoir l’orgue.
Selon la tradition présentée par les chanoines, l’orgue actuel aurait été donné entre 1521 et 1526 par archevêque de Tours, Martin de Beaune, fils du surintendant Jacques de Beaune. Les mutilations du blason lors de la disgrâce du surintendant en seraient la preuve [Andrault-Schmitt, 2010, p. 261]. La présence d’un orgue au sein de la cathédrale nous est connue à partir de 1436 [Devienne, 2010, p. 38]. En 1513, un financement laisse supposer un réaménagement complet d’un orgue mais l’orgue relève sans doute d’une période plus tardive, entre 1543 et 1560. Il n’est pas impossible que les pillages perpétrés en 1562 par les huguenots dans la cathédrale aient également touché l’orgue. En effet, un marché est passé en 1585 avec André Delahaye, compositeur et facteur à Sens, pour des hautbois. Un nouveau marché est passé en 1593 avec Guillaume Lefèbvre, compositeur et facteur au Mans. Des augmentations essentielles sont réalisées en 1669-1677 avec la construction du positif de dos. En 1812, l’état de l’orgue nécessite une restauration. Selon l’évolution des goûts et pratiques musicales, l’orgue classique est abandonné en 1908-1913 au profit d’un orgue symphonique en 1927-1929. Enfin, une grande reconstruction est conduite entre 1990 et 1996 par Daniel Kern dans ses ateliers de Strasbourg [Andrault-Schmitt, 2010, p. 262].
La tribune
La tribune, sur laquelle sont posés les grandes orgues, occupe la largeur du bras sud. Elle repose sur trois poutres maîtresses datées du XVe siècle d’après les analyses dendrochronologiques. La présence de ces poutres suggère qu’une tribune du XVe siècle existait avant l’implantation de celle-ci [Devienne, 2010, p. 42-43]. L’accès à la tribune se fait au moyen de l’escalier en vis qui dessert le triforium. Cet accès non spécifique à la tribune et l’éloignement de l’escalier obligent l’installation d’une passerelle qui rejoint la tribune proprement dite. Le garde-corps de la tribune se caractérise par l’alternance de pilastres cannelés surmontés d’un chapiteau ionique et des arcatures.
Le soubassement du grand corps
La base du soubassement du grand corps formée de caissons moulurés est la partie la moins ouvragée car elle ne s’expose pas aux regards. Au-dessus de la base, sept grands panneaux encadrés par des pilastres cannelés reçoivent des arcatures. Un répertoire diversifié d’entrelacs et de guirlandes de feuillages ou des motifs de cuir découpés et de coquilles ornent le centre des panneaux. Les pilastres portent une architrave ornée de perles, puis de denticules et de palmettes. Au-dessus, dans la frise, des consoles ornées de palmettes se placent à l’aplomb des pilastres. Entre chaque console, neuf panneaux décorés de feuilles, de cuir ou de têtes d’ange étaient originellement amovibles pour permettre aux facteurs d’orgue d’accéder à la mécanique [Devienne, 2010, p. 19]. Enfin, la corniche, constituée d’oves, de denticules et de palmettes, court sur toute la longueur du buffet et des bases des tourelles.
La façade du grand corps
Cinq tourelles organisent la façade du grand corps, leurs bases se découpent de motifs de rinceaux et de cuir formant des claires-voies qui masquent les pieds des tuyaux, moins esthétiques. Des pilastres cannelés accostent chaque tourelle et sont également placés à l’aplomb des pilastres du soubassement. Ils supportent une corniche qui fait écho à celle du soubassement. Les deux couronnement des tourelles latérales se composent d’un petit édicule présentant des armoiries, la tourelle est présente les armoiries des Beaune (gueules à chevron d’argent accompagné de trois besants d’or ) et tourelle ouest les armes chapitre cathédrale (gueules à la croix pattée d’argent) [Devienne, 2010, p. 25]. Deux angelots à trompette couronnent les deux tourelles en tiers points. En 1611, Jacques Girardet, facteur d’orgues à Angers, réalise « des deulx costez des angelotz po(ur) jouer du haultboys lesq(ue)lz angelotz joueront et parleront ». Ce genre de statues animées par un mécanisme est courant sur les orgues du XVe et XVIe siècles [Devienne, 2010, p. 27-28].
Le couronnement de la tourelle centrale est sommé d’une statue de Saint Maurice, casqué et en arme, haute de 1,87m et reposant sur un piédestal. Saint Maurice est le premier saint patron de la cathédrale avant de passer sous la protection de Saint-Gatien [Devienne, 2010, p. 29]. À ses pieds, deux soldats sont également équipés de casque et d’armes. On remarque des animaux bicéphales dans les espaces entre les tourelles. Certains y voient des reptiles, des amphibiens ou des poissons et des dauphins personnifiant le poisson puisque le poisson est l’un des symboles du christianisme [Devienne, 2010, p.30].
En 1672, pour une raison musicale, les experts souhaitent le prolongement du jeu de montre de douze pieds à une montre de seize pieds (conversion) pour obtenir des do grave. Henri Hammebeck est chargé d’effectuer l’exaucement. Ce sculpteur collabore avec le facteur d’orgues Antoine Morlet pour la mesure exacte de l’exaucement de la façade du grand corps [Devienne, 2010, p. 64-65]. Le couronnement initial des trois tourelles semi-circulaires du grand corps est marqué par le pilastre terminé par un chapiteau qui se distingue du prolongement où les pilastres sont ni cannelés ni ornementés dans la partie exaucée. Le travail de Hammerbeck fut-il interrompu ?
Le grand corps suivent de manière générale l’évolution des styles architecturaux. L’ordonnance créée par les lignes verticales des pilastres cannelés surmontés de chapiteau ionique et les lignes horizontales des entablements, le tout encadrant des arcatures, appartient à la Renaissance classique qui s’impose en France autour de 1545 [Devienne, 2010, p. 45]. Les éléments architectoniques et décoratifs se réfèrent au style Henri II avec par exemple les motifs typiques de cuirs découpés. La tourelle en tiers point, présente aux XVe et XVIe siècles, s’emploie jusqu’à la première moitié du XVIIe siècle [Devienne, 2010, p. 51]. La construction du grand corps date probablement entre 1545 et 1574, plus exactement entre 1550 et 1560 [Devienne, 2010, p. 46].
Le buffet de positif du dos
L’ornementation du buffet de positif du dos diffère de celle du grand corps. Une frise de palmettes parcourt la base du buffet de positif de dos. La façade du buffet de positif de dos se compose de deux tourelles semi-circulaires latérales et d’une tourelle centrale en tiers point. Les trois tourelles sont accostées de montants sculptés en guirlande de feuillage tressé. Des tuyaux sont guillochés en spirale ou en pointe de diamant, ce procédé suggère des instruments dont la technique est maîtrisée dès le XVIe siècle [Devienne, 2010, p. 33]. Les trois tourelles se couronnent d’un petit dôme orné de feuilles d’acanthe sur lequel se tiennent des statues, deux anges et la Renommée au centre. Le sculpteur Henri Hammebeck réalisa le buffet de positif de dos entre 1672 et 1673 [Devienne, 2010, p. 53].
Le buffet positif de dos était muni de volets, un système de poulies qui actionnent les volets et des gonds sont encore visibles aujourd’hui. Les volets ne sont pas rares jusqu’à la fin du XVIIe siècle mais beaucoup furent déposés ou détruits durant les XVIIIe et XIXe siècles [Devienne, 2010, p. 59-62].
Bibliographie
Andrault-Schmitt Claude, La cathédrale de Tours, Crèche, geste Éditions, 2010.
Base POP, IM37000589 et PM37001098.
Devienne Alix, Les buffets des grands orgues de la cathédrales de Tours, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art, sous la direction d’Alain Salamagne, CESR, Tours, 2010, 1 vol.