Pourquoi existe-t-il des décalages entre les informations qui se superposent sur la carte ?
Sur la capture d’écran ci-contre, le fond en gris représente la ville contemporaine et les informations colorées représentent la ville au XVe siècle (notamment les rues en brun). Ces deux informations n’ont pas le même tracé. Cet écart témoigne de l’évolution du tissu urbain sur cette partie de l’ancienne Grand-Rue dont le tracé n’a pas été préservé lors de de la reconstruction d’après-guerre par la rue du Commerce.
La superposition des informations à deux époques différentes présente ici tout son intérêt. Toutefois la carte interactive, qui se compose de différentes informations géographiques, peut présenter des décalages par rapport à la réalité qui ne sont pas d’ordre historique. Ces décalages méritent d’être expliqués et sont de trois types : les techniques de relevés, la préservation du support cartographique et la nature des objets représentés. Ce que nous appelons « objets » sont les bâtiments, les rues ou tout autre élément du monde réel représentés dans l’interface cartographique.
Techniques de relevés de terrain des sources anciennes
Tout d’abord, il n’existe pas de documents cartographiques du XVe siècle qui localisent précisément les lieux sur la surface de la Terre. Les techniques consistant à projeter sur le plan de la carte les coordonnées géographiques de la surface terrestre n’apparaissent pas avant le XVIIIe siècle. Si les premiers relevés de terrain ont permis de créer des cartographies remarquablement plus précises qu’auparavant, les techniques n’ont cessé de s’améliorer au cours du temps. Ces évolutions se traduisent par des écarts entre les positions des objets anciens et actuels.
Fragilité des documents anciens
Lorsque le document ancien parvient jusqu’à nous, le support papier a souvent subi des dégradations qui déforment la représentation cartographique. Cette déformation n’est pas homogène sur la surface de la carte et le calage des informations anciennes sur la surface cartographique contemporaine en est plus difficile : une partie du plan va correctement se superposer pour un quartier de la carte et un décalage va persister dans un autre quartier. Par conséquent, à l’imprécision des techniques anciennes s’ajoute l’imprécision due à la qualité du support de la représentation cartographique d’époque.
La couche du cadastre napoléonien du XIXe siècle qu’il est possible d’afficher illustre parfaitement cette situation. Sur la reproduction numérique d’une des feuilles cadastrales composant cette image, des plis et des déchirures sont visibles ainsi qu’une retouche qui apparait avec une bonne qualité à l’endroit de la mairie au XVe siècle.
La nature des objets représentée
S’appuyant sur des sources cartographiques plus récentes que le XVe siècle, notamment le cadastre napoléonien du XIXe siècle, la ville a connu des évolutions de son tissu. Pour s’assurer de l’existence ou de la disparition d’objets depuis le XVe, les historiens s’appuient sur d’autres sources non exclusivement cartographiques. Dans ces cas, la forme géographique des objets ne peut être décrite par la cartographie. Leur seule position est référencée par un symbole ponctuel.
Si la forme au sol des objets est présente sur les différentes représentations cartographiques dont nous disposons, les modalités de renseignement et de description de ces formes peuvent alors varier d’une source à l’autre. Par exemple, si l’on observe les largeurs de voiries représentées au XVe siècle, il n’est pas certain qu’elles aient historiquement l’emprise au sol cartographiée. La forme de cette voirie entre les sources anciennes et actuelles ne représente peut-être pas le même objet : une rue peut être représentée par une simple ligne (un axe), elle peut décrire une zone entre les bordures des trottoirs ou une zone limitée par les façades de bâtiments des deux côtés de la rue. Ainsi, les modalités de représentation d’un même objet peuvent produire différentes formes spatiales d’une carte à l’autre ou d’une époque à l’autre.
Conclusion : zoomer dans la marge d’erreur
Comme il n’est pas possible d’isoler systématiquement l’origine d’un écart parmi les trois types de causes qui viennent d’être présentées, la superposition des objets décrivant la ville au XVe et le fond de carte actuel présentent des écarts. Cette incertitude, liée à la variété et l’hétérogénéité de sources, n’est pas avantagée par la navigation cartographique. En effet, le zoom dans la carte proposé par l’interface agrandit l’échelle et rend plus visible les décalages entre le plan actuel, le plan du cadastre et surtout les informations représentant la ville au XVe siècle. L’affichage cartographique procure un effet de réalité : « Cet objet est présenté précisément à cette position, cela est donc vrai. » Il est nécessaire de garder à l’esprit que la position de tel ou tel objet ancien par rapport à la situation d’aujourd’hui s’inscrit dans une marge d’erreur. Suivant les configurations géographiques et les sources, elle peut être de quelques dizaine de centimètres pour les lieux toujours présents, à quelques mètres pour ceux ayant disparu. Cette interface cartographique est une représentation reconstituée d’un espace dont nous n’avons aucune sources géographiques d’époque. Elle ne garantit pas une exactitude spatiale absolue des objets décrits du XVe siècle.