Maison – 68 rue Colbert

Localisation :

Dates :

v.1535-1550

État du batiment :

Conservé

Maison – 68 rue Colbert.
Crédits : photo © Léa Dupuis

Cette maison prend place sur une parcelle étroite et laniérée (6 x 17 m)  à proximité immédiate de l’ancienne place Foire-le-Roi. Un premier corps de logis à pignon sur rue devançait une très petite cour (sur laquelle on a aujourd’hui construit) au fond de laquelle prend place un second logis. Les deux bâtiments étaient liés par un couloir desservi, au centre, par une vis [Bonnin, 1979, p. 145 ; Guillaume, Toulier, 1983, p. 13]. 

 

Article 191 : Maison – 68 rue Colbert, extrait retouché du Terrier sommier du fief de la châtellenie du corps ou chef de l’abbaye de Saint-Julien, 1761, Tours, Archives départementales d’Indre-et-Loire, H 528, f°569.
Crédits : © Archives départementales d’Indre-et-Loire, H 528. Adobe © Ophélie Delarue.

 

Pour Julien Noblet, la simplicité du décor sans élément flamboyant, ni élément de la Première Renaissance, et l’utilisation de poteaux à tête non élargie soutenant une sablière unique – éléments de construction sur lesquels nous allons revenir – situerait la date de construction de cette maison dans le deuxième tiers du XVIe siècle, plus vraisemblablement dans les années 1535-1550 [Noblet, 2013, p. 222]. Au-dessus d’un rez-de-chaussée en pierre qui présente une devanture modifiée au gré des boutiques installées, s’élèvent trois étages en encorbellement. La façade de cette maison a fait l’objet de deux campagnes de travaux de modification. Tout d’abord, l’essentage d’ardoises a été sacrifié après 1945 à un enduit ciment. Ensuite, dans les années 1980, la suppression de ce dernier a fait réapparaître les trois étages en pan de bois [Noblet, 2013, p. 217].

 

Maison – 68 rue Colbert, Dr. Ranjard, 1945, photographie, Ministère de la Culture (France), Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, AP15R007328.
Crédits : Photo © Ministère de la Culture (France), Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, diffusion RMN-GP

 

L’ossature principale de la construction en pan de bois repose sur une sablière portée en encorbellement par des corbeaux de pierre à la base du premier étage [Bonnin, 1979, p. 59]. Au-dessus, chaque niveau est porté par des poteaux corniers soutenant des sablières doubles. L’ossature secondaire est constituée de panneaux de croix de Saint-André disposés en deux registres. Aujourd’hui, la façade se divise en deux travées. Alors que les premier et deuxième étages sont percés de deux grandes fenêtres, le comble tire son jour de deux baies surmontées d’un jour. À l’origine, seule la Travée de gauche éclairait les deux premiers étages. Au deuxième étage, le poteau cornier de droite et le piédroit des deux fenêtres possèdent encore des trous qui servaient à accueillir les chevilles maintenant les croix de Saint-André¹. La façade a conservé quelques vestiges de sa mouluration d’origine, comme le larmier de la sablière inférieure ainsi qu’une partie de l’encadrement de la fenêtre ouest du premier étage, dont les piédroits sont bûchés mais où l’on distingue encore les trous de mortaises des meneaux et traverses de la Croisée.

 

Trous de chevilles servant à maintenir les croix de Saint-André : Maison – 68 rue Colbert. Crédits : Photo © Léa Dupuis

 

L’appui des baies a été abaissé, venant mordre sur le motif de croix de Saint-André originel. À l’origine, l’unique travée de fenêtres n’étant pas centrée sur la façade, le nombre de compartiments de croix de Saint-André était inégal de part et d’autre de celle-ci. Le comble était simplement percé par deux jours symétriquement disposés de part et d’autre du poinçon de la charpente [Noblet, 2013, p. 220]. On ajouta dans un second temps des ouvertures supplémentaires [Noblet, 2013, p. 221] qui allèrent de pair avec la modification de l’ossature secondaire et l’application d’une couche de pigment ocre jaune sur les bois semblent être du XVIIe ou du XVIIIe siècles, coloration fréquemment utilisée à cette période [Noblet, 2013, p. 221]. Le balcon en fer forgé ajouté probablement au XVIIIe siècle tend à confirmer cette hypothèse.

 

Maison 68 rue Colbert, relevés état actuel et états restitués, A. Lauba, J. Noblet ; DAO J. Noblet, extrait de Julien Noblet, « L’architecture en pan de bois à Tours : nouvelles perspectives », dans Clément Alix et Frédéric Épaud (dir.), La construction en pan de bois : Au Moyen Âge et à la Renaissance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.
Crédits : © Julien Noblet, OpenEdition Books

 

La fonction des pièces est mentionnée dans une description de 1761 [AD 37, H 528], certes postérieure à la période qui nous intéresse, mais néanmoins éclairante :

« Maison sittuée au nord de la Grande Rue, prez de la Foire-le-Roy, paroisse de St Pierre du Boille, concistante deux corps de logis l’un sur le devant de la ditte rue est composé d’une cave voûtée, un petit caveau au bout où est la serche du puy, une boutique, arrière-boutique à cheminée, un couloir ou allée pavée, quatre chambres hautes à cheminées aux 1er et 2e étages – grenier aizances dedans comble dessus couvert d’ardoise. Le second logis au derrière la cour entre deux est composé d’une cave voûtée, chambre basse à cheminée au-dessus où est un siège d’aizance, trois chambres à cheminées l’une sur l’autre grenier comble dessus couvert d’ardoize – escallier, une cour entre lesd(its) deux logis commune où est un puy, le tout joignant d’un long d’orient à l’article précédent, d’autre costé d’occident au suivant […] ».

 

Il s’agit d’une maison polyvalente – c’est-à-dire dévolue à l’activité professionnelle et à la demeure – dont le rez-de-chaussée sert de boutique. La disposition du couloir, qui conduit à l’escalier menant aux chambres et à la cour, réduit la surface disponible au rez-de-chaussée mais elle permet d’isoler l’espace commercial de l’espace privatif  [Noblet, 2013, p. 219].  

 


Notes de bas de page

¹ Étape 1 : Julien Noblet restitue des panneaux de croix de Saint-André commençant dès le poteau accostant la fenêtre. Or le poteau ne semble pas posséder de trace de chevilles. L’espace avec le poteau suivant, doté de traces encore visibles, est trop restreints (à peine 50 cm de largeur) pour recevoir une croix de Saint-André.    


 

Bibliographie et sources

Archives départementales d’Indre-et-Loire (AD 37), H 528, plan terrier de Saint-Julien de Tours (XVIIIe siècle).
Base POP, PA00098219
Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art, sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979].
Guillaume Jean, Toulier Bernard, « Tissu urbain et types de demeures : le cas de Tours », dans Babelon Jean-Pierre, Boudon Françoise, Guillaume Jean et al., La maison de ville à la Renaissance : recherches sur l’habitat urbain en Europe aux XVe et XVIe siècles, actes du colloque tenu à Tours du 10 au 14 mai 1977, Paris, Picard, 1983, p. 9-24.
Noblet Julien, « L’architecture en pan de bois à Tours : nouvelles perspectives », dans Alix Clément et Épaud Frédéric (dir.), La construction en pan de bois : Au Moyen Âge et à la Renaissance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.


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Les maisons en pans de bois