Les portes

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Détruit

Les portes de la cité, à l’instar des tours, ont été amenées à évoluer en parallèle de l’évolution de l’enceinte fortifiée. Bernard Chevalier comptabilise dix portes dans la clouaison entreprise en 1356, toutes munies de pont-levis. Au nord, sur le front de Loire, se trouvaient les portes de la Cohérie, Maufumier, Foire-le-Roi, l’Hopiteau et du Vieux-Pont. Elles permettaient l’accès aux ports de la ville. Les portes de La Riche et de Saint-Simple étaient situées à l’ouest, celle de Feu-Hugon à l’est et celles de Saint-Vincent et Saint-Étienne au sud [Chevalier, 1975, p. 63]. Pourraient être ajoutées à cette liste les portes qui appartenaient à l’une des deux enceintes intra-urbaines de la cité. C’était notamment le cas de la porte de l’Écrignole qui fut percée à l’est de l’enceinte de Châteauneuf et qui ne disparut qu’en 1660.

Dans la seconde moitié du XVe siècle, de nouvelles portes virent le jour. La porte de la Guerche fut ouverte en 1476 et devint l’une des principales voies vers le sud, celle du Chardonnet, également au sud, construite en 1478, celle de Ragueneau en 1483, au nord, donnant sur la Loire [Chevalier, 1958, p. 118]. Les nouvelles portes sur la Loire visaient à faciliter l’accès au fleuve et de permettre une meilleure évacuation des déchets. Celles de Ragueneau et des Tanneurs permettaient de fluidifier le passage depuis la Loire [Galinié, 2007, p. 403]. En définitive, l’enceinte de la ville se retrouva percée de 13 portes à la fin du XVIe siècle [Chevalier, 1975, p. 519].

Ses portes revêtaient des aspects divers allant du simple passage aménagé dans le mur à des structures plus imposantes, protégées et décorées [Chevalier, 1985, p. 26]. Au début du XVe siècle, seules quatre portes étaient munies d’un système défensif développé. Les portes Feu-Hugon, La Riche, Saint-Simple et sûrement Saint-Vincent étaient dotées de tours imposantes qui s’accompagnaient d’un pont-levis et d’un boulevard. Les portes de l’Hopitau et de Saint-Étienne, plus anciennes, étaient vulnérables aux attaques. Elles étaient donc murées à la moindre menace [Chevalier, 1958, p. 117]. Entre 1417 et 1450, sur les dix portes recensées, seules six étaient ouvertes quotidiennement. Des hommes étaient dévolus à la surveillance des portes et environs de la cité, leur nombre variant selon l’importance de la porte. La liste des personnes soumises au guet est renseignée dans un rôle de 1465 [Renumar].

Outre leur aspect défensif, les portes étaient également des espaces d’ostentation politique et symbolique. Dès le début du XVIe siècle, les portes furent pavées. Celles des axes les plus importants étaient, de plus, parées de bannières, d’écussons ou encore de sculptures comme ce fut le cas à la porte de La Riche ou à la porte des ponts de Loire. De par leur fréquentation, elles étaient également toutes indiquées pour servir de lieux d’information. Les coupables de crime de lèse-majesté notamment pouvaient voir leur portrait affiché sur les portes. Le peintre Alart Folarton fut ainsi rémunéré 50 sous tournois pour avoir réalisé le portrait du prince d’Orange à la demande du roi qui venait de le déclarer rebelle [Giraudet, 1885, p. 164].

 

Les portes de la Cité intégrées à l’enceinte du XIVe siècle

La porte Feu-Hugon

Originellement bâtie dans le mur d’enceinte de la Cité, la Feu-Hugon se retrouva intégrée dans la nouvelle enceinte du XIVe siècle, elle ouvrait sur le faubourg de Saint-Pierre-des-Corps. La porte devrait son nom à la présence d’une ancienne tour carrée dont l’emplacement était entre la porte et la tour Saint-Antoine qui donnait sur la Loire [Chevalier, 1958, p. 117]. Sa reconstruction fut entreprise en 1494 à l’initiative de la ville qui confia la réalisation à Jean Regnart, architecte et maître des œuvres de maçonneries et charpenterie pour le roi en Touraine [Giraudet, 1885, p. 343]. Si la porte a disparu aujourd’hui, il reste dans Tours une rue qui en garde le souvenir, il s’agit de la rue Port-Feu-Hugon.

 

Les portes du Pont

Les grands ponts de Tours édifiés sur la Loire à partir des années 1034 comprenaient quatre portes fortifiées pour assurer sa défense [Chevalier, 1958, p. 117]. La première était située sur la rive nord et donnait accès au pont de bois. La seconde prenait place sur la rive nord de l’île de l’Entrepont. La troisième avait été installée un peu plus loin à l’entrée du pont de pierre. Enfin, la dernière était la porte de la cité à l’extrémité du pont de pierre [Boisseuil, 1992].

La porte principale était celle située sur la rive nord de la Loire. Véritable vitrine de la ville, cette porte bénéficiait d’un soin particulier dans son décor pour en faire un espace d’accueil digne de la cité royale qu’était Tours. En 1489, le maître sculpteur imagier Clément Bayet fut sollicité pour orner la porte côté Saint-Symphorien. Les élus lui demandèrent de confectionner les armoiries sculptées de Charles VII accompagnées de deux angelots. Il réalisa également les armes de la ville et du maire [Giraudet, 1885, p. 17]. Sans préciser à quel « portail sur le pont de la Loire » elle était destinée, Eugène Giraudet nous apprend que le peintre Pierre Regnart réalisa pour la cité une image de Notre-Dame et les armes du roi et de la cité portées par un angelot situé derrière la Vierge [Giraudet, 1885, p. 344].

Nous ne savons presque rien en revanche de la porte située vers la ville. En 1425, la municipalité souhaita la doter d’un pont-levis, mais renonça finalement à son projet [Boisseuil, 1992, p. 27-28]. Quelques années plus tard, en 1460, les élus installèrent des latrines à proximité de la porte [Boisseuil, 1992, p. 32].

 

Les portes contemporaines à l’enceinte du XIVe siècle

La porte de l’Hôpital

Construite au XIVe siècle, la porte de l’Hôpital (que l’on trouve également sous le nom de porte de l’Ospitau, Ospital, Hospitau…) permettait d’accéder à la Loire. En 1388, un « bateis » de pieux fut ajouté au niveau de la porte pour assurer sa protection. Cette installation ne fut cependant pas suffisante puisque, tout comme les autres accès au fleuve, la porte fut murée en août 1436 pour assurer la protection de la cité face aux Anglais. Pour ce travail, les élus firent appel à Michel Carré, architecte maître maçon de la ville [Giraudet, 1885, p. 56]. À l’occasion de la reconstruction du port en 1507, les élus en profitèrent pour refaire la porte. L’ouvrage fut confié en 1509 au maître des œuvres de maçonnerie de la ville de Tours et du roi Guillaume Besnouart [Giraudet, 1885, p. 30].

 

La porte Foire-le-Roi

Cette porte, située sur la place du même nom, permettait d’accéder au port Foire-le-Roi sur la Loire. Elle fut percée en 1388 lors des travaux de la nouvelle enceinte à la fin du XIVe siècle. Cependant, très vite, la porte fut murée pour protéger la ville des incursions anglaises. Ce n’est qu’en 1431 que la municipalité rouvra la porte à la demande des chanoines de Saint-Gatien. Ces derniers avaient besoin d’un accès pour décharger la charpente de la grande Nef de la cathédrale qui devait voyager par bateau sur la Loire jusqu’à Tours [Renumar, 18 juillet 1431 & Renumar, 12 juillet 1431]. La même année, la porte fut reconstruite pour faciliter l’accès au nouveau port réaménagé [Giraudet, 1883, p. 175]. Par cette porte entraient également des souverains lorsqu’ils arrivaient par la Loire pour faire leur entrée solennelle dans la ville [Giraudet, 1883, p. 195]

 

La porte Maufumier

Nous ne savons presque rien de cette porte qui fut percée au cours du XIVe siècle lors de la réalisation de la clouaison de Jean le Bon. Elle était située à l’extrémité de la rue du même nom et donnait sur la Loire [Clérambault, 1912, p. 35]. Comme toutes les portes donnant sur le fleuve, la porte devait faciliter l’accès à la Loire et permettre l’évacuation des déchets dans celle-ci.

 

La porte de la Cohérie ou Écohérie

Porte édifiée au XIVe siècle, elle subit le même sort que ces consœurs et fut murée en 1436 à l’approche des Anglais. Elle était pourtant protégée par une demi-tour comportant un étage. La couverture de la tour était constituée de bardeaux. Selon Bernard Toulier, un appentis accueillait les gardes [Toulier, 1974, p. 355].

 

La porte de La Riche

Les portes qui constituaient les entrées principales de la cité bénéficiaient d’un soin particulier, à l’instar de la porte de La Riche. Située à l’ouest de l’enceinte du XIVe siècle, à l’emplacement de l’actuelle place de la Victoire, cette porte était empruntée par les souverains lorsqu’ils se rendaient au château du Plessis-lès-Tours. Elle bénéficiait donc d’une attention et d’un décor particuliers. En 1537, la municipalité fit appel à deux artistes tourangeaux pour orner la porte. Loys Roussi fut chargé de peindre et de dorer les blasons du roi et de la cité. Il réalisa également une salamandre et un tabernacle qui doit accueillir une sculpture de Notre-Dame confectionnée par Juste de Juste [Giraudet, 1885, p. 356].

Elle était également un lieu privilégié pour installer les principaux théâtres présentés par la ville à l’occasion des entrées solennelles des souverains dans la cité. Pour ces occasions, les élus faisaient appel à des artistes tourangeaux pour décorer le portail et construire des architectures éphémères (échafaudages, théâtres). En 1551 et 1565, le conseil de la ville y fit construire des arcs de triomphe pour accueillir Henri II puis Charles IX [Rivaud, Renumar].

 

La porte Neuve ou Saint-Étienne

Menacée de ruine, la municipalité réunit, en 1448, une assemblée, où furent conviés le curé de Saint-Étienne, le prieur de Saint-Vincent, et Pierre Bérart pour déterminer ce qu’il convenait de faire de cette porte. Il y fut décidé de procéder à une inspection de la porte avec plusieurs maçons et architectes [Giraudet, 1885, p. 198]. Les avis d’Yvonnet de Mauléon, Michau Carré, Georget Gilart, André Saulnier, Guillaume Pardoines et Jean Papin, maître d’œuvre de la cathédrale de Tours, furent sollicités [Renumar, 15 mars 1448 & Renumar, 16 juillet 1448]. Ils optèrent pour la démolition de la porte Saint-Étienne et pour la reconstruction d’une nouvelle munie de deux tours latérales [Giraudet, 1885, p. 198].

Cette porte présentait une fonction défensive. En 1471, le corps de ville chercha à renforcer les défenses de la porte. Pour cela, elle demanda à Girault de Sauvinien, maître des œuvres et conducteur des fortifications, de réaliser un devis pour la réalisation d’un boulevard [Giraudet, 1885, p. 205], c’est-à-dire d’une place fortifiée en saillie des murailles aménagée pour l’artillerie. Cette porte « neuve » présentait ainsi une avancée bastionnée, en avant du fossé, qui donnait sur le principal axe sortant de la ville vers le sud. Une cloche y fut installée en 1560 [Giraudet, 1885, p. 371].

La porte fut démolie en 1754 [Giraudet, 1885, p. 90].

 

La porte Saint-Vincent ou portail de La Chancellerie

En 1446, la municipalité prit la décision de repousser les murailles au sud, le chancelier Guillaume Jouvenel des Ursins, chancelier, y voyant une opportunité, acheta l’ancienne porte de Saint-Vincent l’année suivante et l’installa rue de la Scellerie (au niveau du n°60 de la rue). La porte assurait ainsi le lien entre les deux corps de logis qui composaient son hôtel particulier de La Chancellerie. La porte prit alors le nom de l’hôtel et le conserva jusqu’à sa destruction en 1830. Elle fut rattachée à l’hôtel jusqu’en 1659. Au début du XIXe siècle, l’espace étant devenu trop étroit et empêchant ainsi une circulation fluide dans la rue, la municipalité prit la décision de procéder à la démolition de ce qui restait de l’ancienne porte [Maître, 1986, p. 433].

Il n’existe que très peu de documents qui permettent de donner une image de ce à quoi pouvait ressembler cette porte. Un registre de comptes de la ville daté de 1359-1360 mentionne la présence d’une « chambre qui est sur le portail de Saint Vincent » [Maître, 1986, 428]. Des actes plus tardifs du XVIIe siècle indiquent en revanche la présence de deux chambres superposées. Martin Logeais, en 1834, offre une description du portail. Selon lui, il était orné d’un écu aux armes de la famille Fumée, « d’azur à deux fasces d’or et à six besants de même » et surmonté d’un casque témoignant de la dignité de chevalerie de la famille et d’un mortier faisant référence à la justice. La partie supérieure du casque comprenait une personnification de la France portant un sceptre dans sa main droite et les grands sceaux dans la gauche. La présence de cet écu est étrange puisque ce sont les armes du bâtisseur de l’hôtel, Jouvenel des Ursins, qui auraient dû s’y trouver. Cela pourrait signifier que le portail et par extension l’hôtel a appartenu à la famille Fumée et notamment à Adam Ier Fumée qui fut garde des sceaux entre 1492 et 1495 [Maître, 1986, p. 428].

 

Les portes ajoutées au XVe siècle

La porte Ragueneau ou Saint-Julien

La porte fut ajoutée dans la clouaison du XIVe siècle à l’occasion du percement de la rue du même nom en 1482. Il s’agissait de la septième porte qui fut ouverte sur la Loire. Le nombre de portes donnant sur le fleuve témoigne de l’importance du trafic entre la cité et la Loire. La protection de la porte Ragueneau était assurée par un muret au nord auquel fut intégré un étage pour accueillir un corps de garde. Il fallut attendre à la fin du XVIe siècle pour que la porte fût dotée d’une tour pour renforcer sa sécurité [Galinié, 2007, p. 213].

 

La porte intermédiaire entre les Tanneurs et l’Écohérie

Cette porte fut percée à la fin du XVe siècle, plus précisément en 1496, à l’extrémité de la rue des Trois-Pucelles donnant sur la Loire. Il s’agissait de la huitième et dernière porte ouverte sur le fleuve au XVe siècle. Elle permit de décharger la porte de l’Écohérie dont elle est voisine d’une partie de son trafic. Très fréquentée, la porte de La Cohérie était également la porte par laquelle les boucheries, tanneurs et poissonniers du quartier venaient jeter leurs déchets dans le fleuve, aussi la porte se retrouvait-elle souvent encombrée [Chevalier, 1975, p. 72].

 

La porte des Tanneurs

Après la porte du Pont et les 4 portes construites au XIVe siècle, la porte des Tanneurs fut la sixième porte ouverte sur la Loire. Elle fut percée en 1451 et elle visait non seulement à améliorer la circulation entre la cité et le fleuve, mais aussi à permettre une meilleure évacuation des ordures. Les tanneurs du quartier, dont la porte tient son nom, venaient en effet jeter les déchets de leur industrie dans la Loire [Chevalier, 1975, p. 72].

 

La porte Saint-Simple

Située à l’emplacement de l’actuelle place Gaston Paillhou, cette porte datait du XVe siècle. La reconstruction de la porte fut entreprise en 1592 par Nicolas Rousseau à la demande de la municipalité [Giraudet, 1885, p. 358].

 

La porte de La Guerche ou du Chardonnet

Située sur le front sud de l’enceinte de la ville, la porte tenait son nom de sa proximité avec le prieuré Saint-Michel de La Guerche. Le roi donna l’autorisation d’ouvrir la porte le 4 novembre 1476 et les travaux furent entrepris à l’été suivant. La porte, située au niveau de l’actuelle place du Chardonnet, faisait face à l’église des Augustins  [Chevalier, 1975, p. 383]. Les travaux sont confiés à l’architecte et maître des œuvres de maçonnerie et charpenterie pour le roi en Touraine, Jean Regnart [Giraudet, 1885, p. 343]. Soixante ans plus tard, en 1540, la porte fut reconstruite par le maçon Alexandre Robin [Giraudet, 1885, p. 350]. Elle fut détruite dès la fin du XVIe siècle, avec le pont sur lequel elle ouvrait pour permettre un meilleur écoulement des eaux [Pinot de Villechenon, 1978, p. 22].

 

 

Bibliographie

Dubois Jacques et Sazerat Jean-Paul, « L’Amphithéâtre de Tours. Recherches récentes », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 38, 1977, p. 355-378.
Chevalier Bernard, Tours ville royale (1356-1520), Louvain, Vander, 1975.
Galinié Henri (dir.), Tours antique et médiéval lieux de vie, temps de la ville 40 ans d’archéologie urbaine, Tours, FERACF, 2007.
Giraudet Eugène, Histoire de la ville de Tours, Tome I, Tours, 1883.
Giraudet Eugène, Les artistes tourangeaux, architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs, graveurs, orfèvres, peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse, notes et documents inédits, Tours, Impr. de Rouillé-Ladevèze, 1885.
Maître Michel et Montoux André, « L’hôtel de la Chancellerie à Tours », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 41, 1986, p. 419-436.
Pinot de Villechenon Marie Noël & al., Ponts de Tours. Traversée des fleuves et des ruaux du Moyen-Âge à nos jours, Catalogue d’exposition (16 décembre 1978-11 février 1979) Tours, Édition du Musée des Beaux-Arts, 1978-1979, p. 83.
Toulier Bernard, « Contribution à l’étude du tracé de l’enceinte du XIVe siècle à Tours (angle Nord-Ouest) », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 37, 1974, p. 351-