Les fiefs

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Les principaux fiefs de Tours, Carte interactive ParTouRs.
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La ville de Tours, comme de nombreuses villes, voit son espace foncier découpé en de nombreux fiefs, qui ont été concédés au cours du temps à différents seigneurs ces dernier  prélevant encore un certain nombre de droits (impôts ou obligations, droits de justice…). Ce parcellaire juridique reste encore difficile à définir à la Renaissance tant pour ses limites et que pour ses évolutions. Parmi les plus importants en superficie se trouvaient le fief métropolitain de la justice des bains à l’ouest de la ville et centré autour de la cathédrale et le fief de Saint-Julien sur le territoire de la paroisse Saint-Saturnin. D’autres, de taille très restreinte, se contentaient d’englober des hôtels particuliers et quelques parcelles limitrophes comme le fief de La Massequière ou celui de La Chancellerie.

 

Fief de Saint-Julien

Figurant parmi les fiefs les plus grands de la ville de Tours, le fief de Saint-Julien occupait quasiment toute la superficie de la paroisse Saint-Saturnin. Il s’étendait depuis la rue Littré jusqu’au bout du jardin de l’abbaye Saint-Julien. Sur la partie sud de la Grand-Rue, il commençait au versant est de la rue de La Galère et allait jusqu’à la rue des Cordeliers. Cette partie prolongeait vers le sud jusqu’à la partie nord de la rue de La Scellerie. À cela, il fallait également ajouter l’île Saint-Jacques qui faisait partie de la paroisse Saint-Saturnin. Au sein même de ce territoire, d’autres fiefs s’intégraient, créant ainsi des territoires juridiques enchevêtrés. C’était notamment le cas des fiefs de l’aumônerie de Saint-Julien, de Beaune et de La Massetière [Terrier de Saint-Julien, 1761]. Bien connu grâce au terrier de Saint-Julien daté de 1761, ce fief relevait de l’abbaye de Saint-Julien et possédait au moins au XVIIIe siècle le droit de haute, moyenne et basse justice [Livernet, 1978, p. 772].

 

Fief du Trésorier de Saint-Martin

Le fief du Trésorier, situé au nord-ouest de Saint-Martin, était à cheval sur les paroisses de Saint-Venant, Sainte-Croix et Saint-Denis. Il longeait à l’ouest la rue menant de la place du Grand-Marché au Marché au bled avant de contourner la basilique Saint-Martin pour remonter vers la rue du Change. Il comprenait les îlots d’habitations situés entre les rues du Petit-Soleil et de La Monnaie et de la Grand-Rue et de La Rôtisserie de part et d’autre de la rue du Change, puis descendait vers les rues de l’Arbalète et Sainte-Croix. Relevant de l’abbaye Saint-Martin et plus précisément du trésorier du chapitre, le seigneur fief du Trésorier possédait le droit de haute, moyenne et basse justice au XVIIIe siècle [Livernet, 1978, p. 773]. En sa qualité de trésorier de Saint-Martin, Jean de Ockeghem fut ainsi seigneur du fief à partir de 1459 [Transmedia lab].

 

Fief du cloître Saint-Martin ou du chapitre

Son territoire correspondait en grand partie à celui de la paroisse Sainte-Venant, située au sud de la basilique Saint-Martin. Au nord, il épousait les contours de la basilique Saint-Martin, avant de jouxter la limite sud-est du fief du trésorier de Saint-Martin. Il rejoignait ensuite les murailles de la ville à son angle sud-ouest puis sur tout son flanc sud, avant de remonter en parallèle de la rue de Jérusalem. Il contenait le quartier canonial de Saint-Martin et dépendait de la collégiale. Au XVIIIe siècle, le seigneur de ce fief possédait le droit de haute, moyenne et basse justice [Livernet, 1987, p. 759].

 

Fief de La Massetière

Le fief de La Massetière était l’un des plus petits fiefs de la cité. Il se concentrait autour de l’hôtel de La Massetière qui lui donna son nom et des dépendances qui y étaient rattachées. Au cours du XVe siècle, ce fief était détenu par la famille de Montbazon puis par celle des Rohan à partir de 1547 [Monnier, 1926, p. 312]. À la toute fin du XVe siècle, il était aux mains de Jeanne de La Rochefoucault qui céda une portion du jardin de son hôtel à son voisin, Thomas Bohier, pour lui permettre de disposer d’un accès jusqu’à sa chapelle privative en l’église Saint-Saturnin [Bosseboeuf, 1899, p. 1999]. Il fut dissous en 1790 [Livernet, 1987, p. 771].

 

Fief de Beaune

Tout petit fief au cœur de la ville, celui-ci relevait avant le XVIe siècle de Saint-Julien, avant de devenir le fief de Beaune. Son érection, en 1522, résulte de la reconnaissance sociale et politique de Jacques de Beaune, alors surintendant des finances de François Ier. Il résulte d’un échange avec l’abbé de Saint-Julien [Chevalier, 1975, p. 387]. Il correspond à l’emprise foncière du vaste palais qu’a bâti Jacques de Beaune par la réunion de plusieurs maisons et jardins autour de l’ancienne demeure de son père Jean.

En 1584, il aurait appartenu à Charlotte de Beaune, puis en 1634, à Louis de La Trémoille avant d’être récupéré par les Jésuites en 1642 et par le collège de Tours un siècle plus tard, en 1775 [Carré de Busserole, 1878, p. 185]. Au XVIIIe siècle, le roi exerçait la haute et la moyenne justice sur le territoire du fief [Livernet, 1978, p. 772].

Situé au cœur de la paroisse Saint-Saturnin, il représentait une enclave dans le territoire du fief de Saint-Julien. Parfaitement visible sur les plans du terrier de Saint-Julien datant de 1761, le fief englobait l’hôtel de Jacques de Beaune, mais ni la fontaine et la place du même nom [Terrier de Saint-Julien, vue 597]. Comptant 10 maisons [Carré de Busserolle, 1878, p. 185], il longeait la rue Traversaine sur son versant est depuis l’angle avec la Grand-Rue jusqu’au milieu de la rue. Au nord, il suivait le tracé sud de la Grand-Rue avant de tourner à l’angle avec la rue Neuve et de suivre l’ouest de la rue jusqu’en son milieu pour fermer le périmètre. Au sein même du fief, un îlot d’habitations donnant sur la Grand-Rue restait rattaché à celui de Saint-Julien.

 

Fief du Péage

Le fief du péage traversait la ville de nord en sud. Contenu entre les remparts du bord de Loire et la rue de La Scellerie, il longeait à l’ouest la place Foire-le-Roi avant de suivre le tracé de la rue des Cordeliers. À l’est, il bordait la rue du Pont puis la rue Saint-Maurice, avant de décrocher pour rejoindre l’angle nord-ouest du fief de la Chancellerie [Livernet, 1978, p. 766]. Avant la seconde moitié du XVe siècle, le fief englobait vraisemblablement le territoire du fief de la Chancellerie. Guillaume Jouvenel des Ursins dut en effet demander l’autorisation de Jean de Bueil, seigneur du fief du Péage en 1450, pour implanter sa boucherie [Chevalier, 1975, p. 378]. Il s’agissait de l’un des fiefs stratégiques de la cité. Sa proximité avec la Loire permettait à son seigneur de bénéficier de droits sur les ports de Loire et la présence des foires sur la place Foire-le-Roi notamment à partir de 1545 y assurait une activité économique soutenue [Livernet, 1978, p. 767]. Au XVIIIe siècle, le roi détenait le droit de haute et moyenne justice sur ce fief [Livernet, 1978, p. 773].

 

Fief du portail de la Chancellerie

Ce petit fief était concentré autour de l’hôtel de la Chancellerie bâti par Guillaume Jouvenel des Ursins entre 1446 et 1450. Il comprenait également la boucherie de 4 étals établis en 1450 et le lotissement de la Chancellerie créé par Jean Jouvenel des Ursins, fils de Guillaume, à partir de 1467. Il reste difficile de déterminer à quelle date le fief fut créé. Lorsque le Chancelier y implante son hôtel et installe la boucherie de la Chancellerie en 1450, la terre dépendait du fief du Péage alors détenu par Jean de Bueil [Chevalier, 1975, p. 378-379]. Sa création est donc postérieure à ces événements. Au XVIIIe siècle, le fief était passé aux mains des ecclésiastiques qui en possédaient le droit de haute, moyenne et basse justice [Livernet, 1978, p. 772].

 

Fief de la comté et des Ponts

À l’inverse de beaucoup des fiefs de la cité, le fief de la comté et des Ponts ne relevait pas d’une autorité ecclésiastique mais laïque. Sur son flanc ouest, le fief longeait l’extrémité nord de la rue de la Triperie, puis empruntait la rue du Singe-Vert avant de descendre la rue du Pont. Il rejoignait alors la Grand-Rue puis remontait jusqu’aux murailles de la cité par l’extrémité nord de la rue des Maures. Bien que de taille réduite, il s’agissait, là encore, de l’un des fiefs stratégiques de la cité. Situé le long de la Loire, il comprenait une partie des ponts de la Loire et surtout assurer le contrôle de l’entrée principale de la cité par la Loire. À cet égard, le seigneur du fief, qui était au XVe siècle le duc d’Alençon, possédait des droits sur les bacs qui assuraient la traversée du fleuve lorsque le pont était rompu. Il renonça cependant à ce droit au profit de la municipalité et des religieux de Marmoutier en 1432 moyennant une compensation financière de 300 livres [Lesourd, 1895, p. 525]. Au XVIIIe siècle, le seigneur du lieu pouvait exercer la basse, moyenne et haute justice sur son fief.

 

Fief du chapitre métropolitain et prévôté des bains

Ce fief recouvrait une importante partie de l’est de la ville. Il longeait à l’ouest la rue du Pont et Saint-Maurice. Au sud, il bordait la cathédrale avant de suivre le tracé de l’ancien amphithéâtre gallo-romain puis de rejoindre la rue de Bretonnerie à l’est. Au nord, il longeait le fief de la Comté et des Ponts et les remparts de la cité. Dépendant du chapitre Saint-Gatien, ce dernier possédait le droit de haute, moyenne et basse justice au XVIIIe siècle [Livernet, 1978, p. 762].

 

 

Bibliographie et sources

Bosseboeuf Louis, « Les maisons historiques de Tours. L’hôtel Bohier ou de La Falluère », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 12, 1899-1900, pp. 195-208.
Carré de Busserolle Jean-Xavier, Dictionnaire géographique, historique et biographique d’Indre-et-Loire et de l’ancienne province de Touraine, T. I, Tours, Rouillé-Ladevèze, 1878.
Chevalier Bernard, Tours ville royale 1356-1520, Louvain, Vander, 1975.
Follain Antoine, « Justice seigneuriale, justice royale et régulation sociale du XVe au XVIIIe siècle : rapport de synthèse », dans Brizay François, Follain Antoine et Sarrazin Véronique, Les justices de village : Administration et justice locales de la fin du Moyen Âge à la Révolution, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003.
Monnier L., « L’hôtel de la Massetière », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 23, 1926, pp. 311-319.
Lesourd Paul, « Histoire des ponts de Tours », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 10, 1895, pp. 520-539.
Livernet Sylvain, « Fiefs et paroisse à Tours au XVIIIe siècle », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 38, 1978, p. 749-789.
Terrier de Saint-Julien, 1761, Tours, Archives départementales d’Indre-et-Loire, H528.