À la Renaissance et ce depuis le Moyen Âge, l’atelier de l’artiste n’est plus seulement le lieu de création des œuvres. Son rôle s’étoffe et devient pluriel. Il est à la fois lieu de production, résidence de l’artiste, lieu d’apprentissage et foyer artistique fédérant des apprentis et collaborateurs autour du maître [Cassagnes-Brouquet, 2014]. La ville de Tours comptait plusieurs ateliers de ce type au XVe et XVIe siècles. La présence de la cour favorisa l’implantation de nombreux artistes, qu’ils fussent français ou étrangers. Parmi les plus célèbres d’entre eux, peuvent être cités Michel Colombe, Jean Bourdichon, Jean Fouquet ou encore la famille Juste.
Jean Fouquet avait son atelier installé dans la tour des Pucelles, qui était également la maison familiale, dès 1448. Il y forma ses deux fils, François et Louis, à l’art de la peinture [Avril, 2003, p. 24]. L’un d’entre eux serait le Maître du Boccace de Munich [Avril, 2003, p. 18-28]. C’est également lui qui aurait assuré la formation de Jean Bourdichon, qui lui succéda en 1480 à la charge d’enlumineur et valet de chambre du roi Louis XI.
Bourdichon prit par la suite ses quartiers dans la paroisse Sainte-Croix. On lui attribue la propriété de la maison du 3 rue de la Serpe [Giraudet, 1885, p. 39]. Il possédait aussi un atelier au château du Plessis-lès-Tours qui lui avait été aménagé par le roi Charles VIII à partir de 1491 [Limousin, 1954, p. 8].
Michel Colombe s’installa dans la cité tourangelle avant 1491. Il fit le choix de s’implanter légèrement en dehors de la cité, dans le faubourg Saint-Étienne, rue des Filles-Dieu (actuelle rue Bernard Palissy) [Giraudet, 1885, p. 87]. Certains de ses plus proches collaborateurs comme l’artiste italien Jérôme Pacherot s’installèrent dans la rue, faisant de l’atelier l’un des centres névralgiques de la production sculpturale tourangelle. Colombe fédéra également des apprentis autour de lui à l’instar de son assistant et neveu par alliance Guillaume Regnault [Giraudet, 1885, p. 85]. Ces collaborations permettaient au maître d’œuvrer à des commandes royales d’envergure telles que les tombeaux des enfants de Charles VIII et Anne de Bretagne ou le tombeau des ducs de Bretagne réalisés à la demande de la reine Anne de Bretagne entre 1500 et 1507 [Giraudet, 1885, p. 82].
Autre atelier remarquable de la ville, celui du sculpteur d’origine italienne Jean Ier Juste. Installé rue Ragueneau, quasiment au bord de la Loire, l’atelier jouxtait la Grange des Marbres du roi, vaste entrepôt où étaient stockés les marbres destinés aux commandes royales. Jean Ier Juste détenait le droit de jouissance de cette grange [Giraudet, 1885, p. 232]. C’est de là dont il tira les marbres nécessaires à la réalisation du tombeau de Louis XII et Anne de Bretagne confectionné entre 1516 et 1531 à la demande de François Ier [Giraudet, 1885, p. 230]. Le sculpteur y œuvra avec des membres de sa famille exerçant la même profession. Son frère Antoine et son neveu Juste de Juste participèrent à la réalisation de cette commande prestigieuse. L’accès privilégié à la Loire lui permit de faire transporter le tombeau en pièces détachées sur le fleuve jusqu’à Paris où il fut installé dans la basilique Saint-Denis [Renumar, 18 février 1531].
Bibliographie
Avril François (dir.), Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle, catalogue de l’exposition de la BnF du 25 mars au 22 juin 2003, Paris, BnF, Hazan, 2010.
Base Renumar, 18 février 1531.
Cassagnes-Brouquet Sophie, « Les ateliers d’artistes au Moyen Âge : entre théorie et pratiques », Perspective, 1 | 2014, 83-98.
Giraudet Eugène, Les artistes tourangeaux, architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs, graveurs, orfèvres, peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse, notes et documents inédits, Tours : Impr. de Rouillé-Ladevèze, 1885.
Limousin Raymond, Jean Bourdichon, peintre et enlumineur, son atelier et son école, Lyon, Presses Académiques, 1954.