Tours, 60 rue de la Scellerie
Alors qu’il devient chancelier de France Guillaume Jouvenel des Ursins, désormais installé à Tours pour suivre le roi et la cour, décide de se faire bâtir un hôtel urbain digne du rang qu’il occupe. Guillaume profite d’une initiative municipale pour mener son projet en à peine cinq ans et modifier durablement le parcellaire du quartier autour de la porte Saint-Vincent.
En 1446, la ville de Tours entreprend de reculer la muraille qui ceint la ville d’une dizaine de mètres vers le sud afin de renforcer le système défensif des paroisses Saint-Vincent et Saint-Étienne et de prolonger la rue de la Scellerie vers l’est, créant ainsi une voie directe entre la cathédrale Saint-Gatien et la basilique Saint-Martin [Chevalier, 1983, p. 221]. Y voyant une opportunité, Guillaume obtient de l’archevêque la location du sol pour un cens symbolique et de la ville « le vieil portal de sainct Vincent… et aussi les places qui sont hors ladite rue avecques les vieux murs devandis ». Le chancelier est aidé dans ses plans par le roi qui retarde au 7 mars 1447, l’autorisation qu’il doit donner à la ville pour la construction de la nouvelle enceinte, ce qui lui laisse le temps de négocier la location des lieux [Chevalier, 1983, p. 221]. Dans la foulée, Guillaume fait combler les fossés, démolir les anciens remparts et tracer le prolongement de la rue de la Scellerie. Il fait également édifier de chaque côté de la rue les corps de logis qui vont constituer son futur hôtel. Les deux parties de l’hôtel sont reliées par l’ancien portail Saint-Vincent que le chancelier a conservé. Il prend alors le nom de portail de la Chancellerie et le conservera jusqu’à sa destruction au XVIIIe siècle. L’ensemble des travaux est mené en 3 ans [Chevalier, 1983, p. 221].
Homme d’affaires avisé, Guillaume demande l’autorisation au seigneur du fief du Péage sur lequel sa parcelle est implantée d’installer une boucherie en 1450. Les quatre étaux de la boucherie Saint-Étienne lui procurent dès lors 20 livres tournois de revenu annuel. Quelques années plus tard, en 1467, Jean Jouvenel, fils de Guillaume, qui a dû recevoir de son père une partie des parcelles, décide de lotir les vergers situés entre les anciens et les nouveaux remparts. Pour cela, il demande lui aussi l’autorisation à Jean de Bueil, seigneur du fief du Péage, et à la ville qui, bien que réticente, finit par donner son accord. Jean fait alors construire cinq maisons entre les rues du Cygne et la place Saint-Étienne [Chevalier, 1983, p. 222].
À la mort de Guillaume Jouvenel des Ursins, l’hôtel, le lotissement et les étaux reviennent à son fils Jean. En 1479, l’ensemble est racheté par Pierre Doriole, qui avait pris la succession de Guillaume à la chancellerie, moyennant la somme de 4839 livres 11 sous 8 deniers tournois [Chevalier, 1983, p. 223]. Après la mort de Pierre Doriole en 1485, la trace de l’hôtel se perd jusqu’en 1596. Dans un manuscrit en 1834, Logeais offre une description sommaire du portail. Selon lui, la porte date de 1530, et était ornée d’un écu aux armes de la famille Fumée. Peut-être l’hôtel a-t-il appartenu à Adam II Fumée dans les années 1530. Celui-ci aurait alors fait remplacer le blason des Jouvenel des Ursins, qui aurait dû se trouver sur le portail, par celui de sa famille. Adam Ier Fumée, son père, obtint les sceaux en 1492 à la suite de Guillaume de Rochefort, lui-même successeur de Pierre Doriole. Peut-être a-t-il récupéré l’hôtel de La Chancellerie en même temps que la fonction associée. Par tradition, l’hôtel de la Chancellerie serait ainsi devenu la résidence des chanceliers, mais l’absence d’archives concernant cet hôtel sur près d’un siècle ne permet pas de l’affirmer [Maître, 1986, p. 428].
En 1596, il appartient à la famille Gitton qui grâce à une série de ventes à réméré donne une idée de l’hôtel tel qu’il était : « troys corps de logis en ung tenant en l’un desquels le dit sieur Gitton, recepveur fait sa demeure, composez de caves, celliers, chambres basses, salles, cuysine, chambres haultes, garde-robes, grenier et combes dessus, courtz et puy, estables, jardin et appartenances ». La boucherie avec ses quatre étaux et les terres de la paroisse Saint-Étienne sont encore rattachées à l’hôtel, mais plus le lotissement de maisons construit par Jean [Maître, 1986, p. 429].
Bibliographie
Chevalier Bernard, Tours ville royale, 1356-1520, Chambray, C.L.D., 1984.
Maître Michel et Montoux André, « L’hôtel de la Chancellerie à Tours », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 41, 1986, p. 419-436.