Tours, 25 avenue André Malraux
Le site du château de Tours possède une histoire riche qui remonte à la période gallo-romaine. Entre la fin du Ier siècle et le début du IVe siècle, de vastes thermes publics s’y déployaient [Galinié, 2014, p. 28]. Ce n’est qu’en 1044 qu’un premier château fut édifié face au pont d’Eudes dont la construction avait été entreprise dix ans plus tôt. Ce premier château était l’œuvre de Geoffroy Martel, comte d’Anjou (1044-1060) [Galinié, 2014, p. 57]. Cependant celui-ci n’y résida pas et laissa donc son prévôt en faire sa résidence [Galinié, 2014, p. 67]. En 1214, lorsque la Touraine entra dans le domaine royal, le roi décida de bâtir un nouveau château. Le château se déploya alors autour de l’ancienne résidence comtale et de son donjon qui fut conservé. Les travaux s’étalèrent entre 1230 et 1240 probablement à l’initiative de Louis IX ou de sa mère Blanche de Castille [Galinié, 2007, p. 81].
Une nouvelle phase de travaux fut entreprise sous Charles VII. Deux niveaux furent ajoutés à la Tour de Guise dans le courant du XVe siècle. Marie d’Anjou, femme de Charles VII, entama des travaux dans la basse cour vers 1440. L’ouvrage fut confié à Guillaume Gaudin, maître des œuvres de maçonnerie, charpente et couverture du roi en Touraine. Achevée vers 1461, cette campagne de construction vit émerger l’« hôtel neuf » du roi, probablement à l’emplacement du futur Logis des Gouverneurs. En 1467, Jean Gaudin fut chargé de travaux de maçonnerie et notamment de l’installation d’une poterne dans l’enceinte du château. Le château ne fut cependant jamais une véritable résidence royale. Si les rois et reines y séjournèrent, ce fut toujours occasionnellement. Seule Marie d’Anjou y passa un peu plus de temps, notamment entre 1436 et 1441, ce qui explique sûrement pourquoi les travaux les plus importants entrepris au cours du XVe siècle le furent sous le règne de son époux [Malatra, 2010, p. 84-85]. Le château demeura cependant longtemps un symbole du pouvoir royal à Tours et fut, à ce titre, le cadre de plusieurs événements importants.
Le théâtre d’événements majeurs
Le château fut le théâtre de plusieurs événements majeurs au cours des XVe et XVIe siècle. Le mariage de Charles VII et Marie d’Anjou y fut célébré en 1413. En 1436, son fils, le roi Louis XI y épousa Marguerite d’Écosse. La cérémonie eut lieu dans la chapelle du château et fut dirigée par Regnault de Chartres, archevêque de Reims. Le festin et la réception furent ensuite donnés dans la grande salle du château qui fut, pour l’occasion, ornée de tapisseries [Malatra, 2010, p. 67]. Selon les propos de Francesco Florio, un italien de passage à Tours, le roi faisait donner la messe tous les jours dans cette même chapelle et les chants se tenaient sous la direction de Jean de Ockeghem, chantre et trésorier de Saint-Martin de Tours. Mais déjà, le roi ne résidait plus au château, lui préférant les Montils-lès-Tours. À partir d’octobre 1461, il y fit donc installer son gouvernement [Malatra, 2011].
Le château fut également le siège des réunions du collège des élus de la cité avant qu’elle ne soit dotée d’une municipalité. Ce fut notamment la cas en 1417 et en 1441 [Malatra, 2010, p. 89]. Plusieurs institutions royales y étaient également réunies. En 1462, c’est au château que le bailli Pierre Bérart convoqua une assemblée des chapitres et commis de la ville [Malatra, 2010, p. 90]. François Ier y fit également siéger la bailliage de Touraine et la prévôté avant qu’il n’achète une maison à cet effet en 1517, située près de l’hôtel de la Vigne [De clérambault, 1907, p. 253].
Au cours du XVIe siècle, la basse-cour abrita un arsenal. Des armes y étaient fabriquées et stockées. Cette fonction explique en partie pourquoi les Huguenots cherchèrent à s’emparer du château. À la suite de leur départ en 1562, une garnison investit les lieux [Malatra, 2010, p. 89].
Lieu des prisons royales
Parallèlement à sa fonction de résidence royale et de siège des institutions, le château fut également destiné à recevoir les prisonniers d’État. Seuls les grands du royaume ou des personnages ayant occupé des fonctions importantes étaient amenés au château pour y être enfermés et encore pour de courtes périodes. Ils ne furent bien souvent que de passage en attendant l’instruction de leur procès ou avant d’être transférés vers d’autres lieux de détention. Jean de Xaincoins y séjourna en 1448 lorsqu’il est accusé de malversations [Chalmel, 1818, p. 198]. Quelques années plus tard, ce fut au tour de Jacques Cœur d’y être brièvement emprisonné au début de l’année 1453 [De Clérambault, 1907, p. 251]. Arrêté en 1468, le cardinal La Balue fut lui aussi enfermé au château en attendant son transfert à Onzain [Gautier, 1883, p. 82]. En 1475, ce furent les prisonniers faits à Arras et Montdidier, confiés par le roi à la garde de la ville, qui sont emprisonnés dans les prisons de l’ancienne résidence royale [Giraudet, 1883, p. 153].
En 1588, le château servit à nouveau de prison. Henri III décida d’y emprisonner la famille d’Henri de Guise, chef de la Ligue, qu’il venait de faire assassiner. Le château fut alors le théâtre de l’ évasion rocambolesque de Charles de Guise, jeune fils d’Henri, le 15 août 1591. Plusieurs versions de cette évasion existent, selon le récit de Palma de Cayet, les faits se seraient déroulés de la manière suivante : à la faveur de l’Assomption et de la messe qui y était donnée dans la chapelle du château, le jeune duc parvint à s’échapper de la tour dans laquelle il était retenu prisonnier. Pour ce faire, au retour de la messe, il lança le défi de monter le plus rapidement à cloche-pied les escaliers menant à sa chambre. Prenant ses gardes de court, il s’enferma dans sa chambre et il descendit la tour grâce à une corde que ces gens lui avait fait parvenir. Le niveau du fleuve étant bas, Charles put s’échapper par la grève et prit la direction du faubourg de La Riche. Arrivé au niveau du pont Saint-Anne, le duc continua son chemin à cheval en direction de la porte Saint-Étienne afin de prendre le chemin menant à Saint-Avertin où l’attendaient ses hommes pour fuir vers Bourges [Cayet, 1896, p. 326-327].
Les guerres de Religion redonnèrent brièvement une importance au château qui reprit ses fonctions militaires et résidentielles. Fuyant Paris et réfugié à Tours avec la cour en 1589, Henri III fit le choix d’y résider. Par la suite, le château fut laissé à l’abandon. Plusieurs représentations de la ville du XVIIIe siècle le montrent d’ailleurs en état de ruines. Le château est lentement démantelé et les pierres de l’édifice furent notamment récupérées pour permettre la construction des quais de Loire. Il ne fut réinvesti qu’à la fin du siècle lorsque fut entrepris la construction du logis de Mars entre 1798 et 1813 pour abriter le IIIe régiment de Gardes d’honneurs de Napoléon. La réalisation de la rue des Maures au XIXe siècle entraina la destruction d’une partie des bâtiments [Prewysz-Kwinto, 2007, p. 130].
Bibliographie
Cayet Pierre Victor Palma, Chronologie novenaire, Orléans, H. Herluison, 1875.
Chalmel Jean-Louis, Tablettes chronologiques de l’histoire civile et ecclésiastiques de Touraine, Tours, Letourmy, 1818, p. 535.
De Clérambault Édouard Gatian, « La Tour Hugon et le château de Tours », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 16, 1907, p. 236-259.
Gautier Edmond, Histoire du donjon de Loches, Impr. A. Nuret, 1881, p. 221.
Giraudet Eugène, Histoire de la ville de Tours, T. 1, Tours, 1883, p. 213.
Malatra Vassy, « Le château de Tours : nouvelles approches », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 57, 2011, p. 125-144.
Malatra Vassy, Le château royal de Tours : son histoire, son intérêt, Mémoire de Master 2 sous la direction d’Alain Salamagne, Université de Tours, 2010, p. 269.
Prewysz-Kwinto Edwige, « Château de Tours : réflexion sur un vestige oublié et rappel du rôle des compagnons du devoir dans sa restauration », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 53, 2007, p. 129-133.