Cathédrale Saint-Gatien

Localisation :

Tours, place de la Cathédrale

Dates :

XIIIe-XVIe siècles

État du batiment :

Conservé
Cathédrale Saint-Gatien

Cathédrale Saint-Gatien
Crédits : Photo © Léa Dupuis

La cathédrale prend place dans le quartier Saint-Gatien qui est le pôle urbain le plus ancien de la ville de Tours, correspondant au secteur nord-est de la cité gallo-romaine de Caesarodunum, près de l’amphithéâtre. L’emprise du quartier canonial de Saint-Gatien, la cathédrale et le palais épiscopal, occupent approximativement la moitié de la surface de la Cité (4,5 ha des 9 ha environ) [Lefebvre, 2008, p. 351].

Détail du Plan de la ville de Tours, XVIIIe siècle, Tours, Archives départementales d’Indre-et-Loire, V/1.1.5.
Crédits : © Archives départementales d’Indre-et-Loire, V/1.1.5.

 

Dans le castrum de cette cité, la première cathédrale Saint-Maurice aurait été édifiée par Lidoire, évêque de Tours de 337 à 371, qui s’y serait fait enterrer [Grégoire de Tours, Livre X]. Incendié en 558, Grégoire, évêque de 573 à 590, exhume les reliques et dédicace l’église rebâtie en 590 [Grégoire de Tours, Livre X]. La cathédrale passe sous la protection de Saint-Gatien en 1357 [Pietri, 1987, p. 28].

Plan général de la cathédrale Saint-Gatien, extrait de Bourassé Jean Jacques, La Touraine : histoire et monuments, Mame, 1860, p. 281.
Crédits : Google livres

 

Épargnée par les invasions normandes en 853 et 903, la cathédrale n’échappe pas à l’incendie de la Cité en 1166-1167 lors du conflit qui opposa Louis VII, roi de France, à Henri II Plantagenêt, roi d’Angleterre, comte d’Anjou et de Touraine [Andrault-Schmitt, 2010, p. 80]. Les campagnes des XIIe et XIIIe siècles remplacent cet édifice pratiquement en ruine. Il en demeure à la Croisée du transept les vestiges d’une demi-colonne accompagnée d’un masque humain [Andrault-Schmitt, 2010, p. 110]. Les tours de façades actuelles conservent également des maçonneries de cette phase de travaux [Rapin, 2003, p. 303].

Chevet de la cathédrale Saint-Gatien.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

 

Les formes gothiques du chevet diffèrent de celles du transept, de la Nef et des tours occidentales, permettant de distinguer quatre principales phases de construction entre le XIIIe et le XVIe siècles. Ainsi, une première campagne de construction ouvre vers 1220-1233 et débute par le chevet. Entre 1255 et 1266, les fenêtres hautes, la toiture, puis la voûte de pierre sont montées. Enfin, les vitraux sont posés entre 1266 et 1267 [Andrault-Schmitt, 2010, p. 196-199]. De style gothique rayonnant, le Chœur se compose de cinq travées ceintes d’un Déambulatoire ouvrant sur cinq chapelles rayonnantes éclairées par des fenêtres en lancette encadrées de colonnettes et terminées par un imposte orné de figures humaines. Les arcs-boutants reposent sur les contreforts qui séparent les chapelles rayonnantes les unes des autres. 

Intérieur du chevet de la cathédrale Saint-Gatien.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

 

Les travaux progressent d’est en ouest. Les assises du bras sud du transept se raccordent mal à celles du chevet, attestant que la construction du transept n’était pas prévue lorsque le chantier du chevet fut lancé [Andrault-Schmitt, 2010, p. 212]. La deuxième campagne concerne le transept attribué à l’architecte Étienne de Mortagne (vers 1270-1290), alors chargé du transept de Marmoutier (1262-1283) [Andrault-Schmitt, 2010, p. 213]. Les baies hautes des deux premières travées de la nef, contre le bras sud, présentent un répertoire de formes très proches : lancettes trilobées, accumulation de quadrilobes dans les tympans ainsi que des gâbles sectionnés au-dessus des fenêtres des chapelles du Collatéral. Ces formes s’accordent avec la datation dendrochronologique de la charpente (1332-1337) [Andrault-Schmitt, 2010, p. 216]. Dans l’ébrasement du portail nord, une suite de niches pourvues de baldaquins étaient destinées à recevoir, de chaque côté, cinq statues. Les motifs finement ciselés des gâbles et des Dais manifestent l’apogée de l’ornement de style rayonnant. [Andrault-Schmitt, 2010, p. 231]. Au-dessus, se développe le triforium ajouré, surmonté d’une rosace renforcée au centre par une épaisse aiguille. Le bras sud possède également un portail dans l’ébrasement duquel prennent place des niches destinées à recevoir, de chaque côté, trois statues. Sous la rosace, la claire-voie du triforium ajouré fut murée lors de la construction des grandes orgues.

Bibliographie et sources

Andrault-Schmitt Claude, La cathédrale de Tours, La Crèche, Geste éd., 2010.
Guillaume Jean, « Les débuts de l’architecture de la Renaissance à Tours », dans Tours 1500 Capitale des Arts, Somogy Paris 2012, Musée des Beaux-Arts, Tours, 2012, p. 91-104.
Lefebvre Bastien, La formation d’un tissu urbain dans la Cité de Tours : du site de l’amphithéâtre antique au quartier canonial (5e-18e s.), Thèse de doctorat d’Histoire, mention archéologie, Université François-Rabelais de Tours, 2008.
Pietri Luce, « Tours », dans Pietri L. et Biarne J. (dir.), Province ecclésiastique de Tours (Lugdunensis Tertia), De Boccard, 1987, Paris, p.19- 39.
Rapin Thomas, « La façade de la cathédrale de Tours : les campagnes du XVe siècle et le programme iconographique du portail central », dans Touraine, Congrès archéologique de France, 1997, 155e session, éd. Société française d’archéologie, Musée des monuments français, Paris, 2003, p. 301-345.
Toulier Bernard, « Les hôtels », dans L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoire de la Société archéologique de Touraine, série 4°, T. X, 1980, p. 81-94.
Tours Grégoire de, « Histoire des Francs – Livre X », dans Collection Des Mémoires Relatifs À L’histoire De France […], éd. Guizot.

 

La troisième campagne se caractérise par l’emploi de formes gothiques flamboyantes propres aux années 1400 et commence au niveau de la troisième Travée de la nef en partant du transept. En 1425, à la suite d’un incendie, l’écroulement du clocher de la tour nord  entraîne des dégâts importants [Rapin, 2003, p. 304]. L’arrivée de Jean Dampmartin sur le chantier est déterminante. Comme pour le transept nord de Saint-Julien au Mans, où il travaille de 1421 à 1430, ce maître d’œuvre doit reprendre une construction en cours. La nef est alors enfin couverte. Le parement des premières travées occidentales est restauré.

Changement de campagne entre la deuxième et la troisième travées de la nef en partant du transept, à droite le gâble est coupé.
Crédits : Photo © Ophélie Delarue

 

Les massifs des tours sont conservés et rhabillés. La salle située dans la tour nord est reprise en sous-œuvre comme le prouve encore aujourd’hui la présence de la voûte de type angevin hérité de l’église du XIIe siècle [Rapin, 2003, p. 305]. Le chantier de la façade occidentale fut particulièrement long. Alors que le répertoire des formes des deux niveaux bas de la façade est encore pleinement inspiré par les formes rayonnantes – rondes, trilobées et quadrilobées –, le troisième registre aveugle adopte un répertoire flamboyant plus affirmé, propre à la seconde moitié du XVe siècle avec ses soufflets et mouchettes [Rapin, 2003, p. 305-306]. La réfection du portail central bénéficie de largesses royales. En 1423, Charles VII confirme une donation de deux milles francs. Un document daté de 1829 nous apprend que l’architecte diocésain, Gustave Guérin, a fait retirer trois fleurs de lys du Tympan pour les remplacer par des rosaces [Rapin, 2003, p. 306]. Aujourd’hui le triple portail n’offre que des ébrasements vides qui abritent des niches très restaurées et des voussures dépourvues de statuettes, à l’exception de celles restituées au XIXe siècle au portail central. Seule la statue du Christ devant le gâble du portail central est encore en place [Rapin, 2003, p. 308].

 

Le chantier perd de son dynamisme au milieu du XVe siècle. Une bulle de 1451 rapporte que la cathédrale « manque de ressources pour être achevée ». En conséquence, l’archevêque, Jean Bernard, entreprend de réclamer des promesses d’indulgences en 1459 [Rapin, 2003, p. 306]. Jean Papin, qui succède à Jean Dampmartin, dirige le chantier du cloître et l’achèvement de la nef. Il fait entreprendre l’érection des portails latéraux de la façade occidentale. Il meurt en 1486 et la maîtrise d’œuvre revient à Jean Durant [Rapin, 2003, p. 307-308]. La quatrième et dernière campagne de construction s’ouvre de 1489 à 1499, après une interruption due à une épidémie de peste. L’achèvement de la tour nord intervient en 1507, comme le rapporte une inscription portée à la coupole du Lanternon [Rapin, 2003, p. 308]. Celle-ci est associée à un monogramme formé d’un M et d’un F qui pourrait être la signature de Martin François, qualifié de maître des œuvres de la cathédrale en 1515 [Guillaume, 2012, p. 91].

Sommet des deux tours de la cathédrale Saint-Gatien.
Crédits : Photo © Ophélie Delarue

 

Pour couvrir les tours, l’architecte substitue aux flèches gothiques une lanterne octogonale surmontée d’un dôme à écailles et d’un lanternon, introduisant ainsi les formes de la Première Renaissance qui s’inspirent des coupoles italiennes [Guillaume, 2012, p. 91]. La lanterne octogonale est bordée de garde-corps. Les huit baies de l’octogone sont couvertes de voussures en plein cintre reposant sur deux colonnettes suivant un parti fréquent dans l’architecture romane. Le décor juxtapose des motifs traditionnels comme des contreforts, des arcs-boutants et des pinacles de forme gothique et des formes « à l’antique » librement interprétées. Les baies sont encadrées par des pilastres qui portent un imposant entablement orné de tresses, de denticules… Le garde-corps qui couronne la lanterne octogonale se compose de courtes colonnes torses, motif gothique très en vogue en France autour de 1500 [Guillaume, 2012, p. 92]. La coupole hémisphérique « à l’antique » comporte néanmoins des crochets feuillagés gothiques. Les éléments qui appellent la comparaison avec la tradition italienne s’observent à la base du lanternon où huit panneaux sont ornés de deux dauphins dont les queues en rinceaux sont liées [Guillaume, 2012, p. 93]. Ce motif se rencontre également sur la tribune de l’église Saint-Clément. Empruntant ainsi au gothique et aux formes italiennes, le répertoire décoratif est tout à fait caractéristique de la Première Renaissance [Guillaume, 2012, p. 93]. 

Lanternon de la tour nord de la cathédrale Saint-Gatien.
Crédits : Photo © Ophélie Delarue

 

La construction des parties hautes de la tour sud commence quant à elle à partir de 1530 [Andrault-Schmitt, 2010, p. 253]. Le décor de ce clocher reproduit la tour nord dans un souci de symétrie. Quelques détails trahissent néanmoins le décalage dans le temps :  les pilastres sont ornés de losanges ou de disques dont l’utilisation se diffuse largement en France à partir de 1515 [Thomas, 1998, vol. I, p. 53] ; les frontons triangulaires, bien qu’ornés de crochets gothiques, adoptent les proportions classiques des années 1530-1540 [Toulier, 1980, p. 106].

Tour sud de la cathédrale Saint-Gatien.
Crédits : Photo © Ophélie Delarue

En 1562, les édifices religieux tourangeaux sont pillés par les huguenots. Enfin, en 1793, les statues des ébrasements et les sculptures sont vraisemblablement vandalisées par les révolutionnaires [Rapin, 2003, p. 307-308].

 

Bibliographie et sources

Andrault-Schmitt Claude, La cathédrale de Tours, La Crèche, Geste éd., 2010.
Guillaume Jean, « Les débuts de l’architecture de la Renaissance à Tours », dans Tours 1500 Capitale des Arts, Somogy Paris 2012, Musée des Beaux-Arts, Tours, 2012, p. 91-104.
Lefebvre Bastien, La formation d’un tissu urbain dans la Cité de Tours : du site de l’amphithéâtre antique au quartier canonial (5e-18e s.), Thèse de doctorat d’Histoire, mention archéologie, Université François-Rabelais de Tours, 2008.
Pietri Luce, « Tours », dans Pietri L. et Biarne J. (dir.), Province ecclésiastique de Tours (Lugdunensis Tertia), De Boccard, 1987, Paris, p.19- 39.
Rapin Thomas, « La façade de la cathédrale de Tours : les campagnes du XVe siècle et le programme iconographique du portail central », dans Touraine, Congrès archéologique de France, 1997, 155e session, éd. Société française d’archéologie, Musée des monuments français, Paris, 2003, p. 301-345.
Toulier Bernard, « Les hôtels », dans L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoire de la Société archéologique de Touraine, série 4°, T. X, 1980, p. 81-94.
Tours Grégoire de, « Histoire des Francs – Livre X », dans Collection Des Mémoires Relatifs À L’histoire De France […], éd. Guizot.


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