Boutique de l’argenterie

Localisation :

Tours, un entrepôt place Foire-le-Roi et un à proximité de l’église Saint-Saturnin

Dates :

État du batiment :

Détruit

L’argenterie était un vaste magasin où la cour, la famille royale et les hôtels royaux et princiers en général venaient se fournir en biens précieux. Plus encore qu’une simple boutique, il s’agissait d’une véritable entreprise commerciale dont certains marchands géraient l’approvisionnement, établissaient les prix des marchandises, ou répondaient aux commandes royales.

Son implantation à Tours résulte de l’activité de Jacques Cœur, argentier du roi établit à Bourges, qui suivit le roi Charles VII dans son installation en Val-de-Loire, notamment autour de 1450. Le journal du procureur Dauvet, responsable de l’inventaire des biens de Jacques Cœur au moment de sa disgrâce donne une idée assez précise de ce qui y était disponible : bijoux, étoffes précieuses, fourrures et biens d’autres produits de luxe [Dauvet, 1952]. La cour disposait là d’une boutique bien fournie, facilement accessible dont les prix étaient compétitifs [Chevalier, 1983, p. 162].

À Tours, le magasin de l’Argenterie était réparti sur deux entrepôts, l’un à proximité de l’hôtel que Jacques Coeur se faisait construire à côté de l’église Saint-Saturnin [Dauvet, 1952, p. 54] et l’autre sur la place Foire-le-Roi [Mollat, 1952, p. 29]. L’entreprise était florissante jusqu’à la disgrâce de l’argentier. Sa chute entraîna celles de ses associés et de la boutique de l’argenterie.

À la liquidation des biens de Jacques Cœur en 1456, Jean de Beaune saisit l’opportunité qui s’offrait à lui et monta une association commerciale avec Jean Briçonnet et Jean Quétier pour récupérer l’activité de la boutique de l’Argenterie. Dès lors, le magasin passa aux mains des tourangeaux pour plusieurs décennies et devint une entreprise familiale. Jean de Beaune profita de la chute de Jacques Cœur pour composer le fondement de son commerce [Chevalier, 2005, p. 63]. Au sein de cette association commerciale les rôles étaient véritablement partagés. Jean de Beaune semblait être l’intermédiaire privilégié du roi au château du Plessis. Jean Quétier suivait le roi et la cour lors de ses pérégrinations. Jean Briçonnet, quant à lui, fréquentait les foires et procédait à l’achat des marchandises [Chevalier, 1983, p. 166].

En seulement 10 ans, Jean de Beaune devint l’un des plus importants marchands argentiers du royaume. Il fournit à la maison du roi entre autres des draps et des soieries. À la mort de Charles VII, son activité sembla essuyer un léger déclin avant que la guerre du Bien Public ne rétablisse les marchands tourangeaux dans leurs fonctions de principaux fournisseurs de l’Argenterie de Louis XI. Selon le 3e compte de l’Argenterie de 1468-1469, Jean de Beaune fournissait à lui seul 92% des draps de laine et 77% des soieries à la couronne [Chevalier, 1983, p. 163-166].

À la mort de Jean, en 1480, Jean Briçonnet dit « patron » et Jean Quétier assurèrent la gestion de la boutique. Jacques de Beaune, fils de Jean, hérita d’une place au sein de l’affaire familiale en tant qu’associé [Chevalier, 1983, p. 165]. Quelques années plus tard, vers 1487, Jacques devint le seul maître de l’argenterie au côté de Jean de Poncher. Il y resta peu de temps et une fois parti aux affaires du roi, Jean demeura seul à gérer la boutique à la fin de l’année 1491. Dans l’incapacité de gérer seule cette vaste entreprise, il s’associa à Regnault Briçonnet, Macé Binet et Martin Fame, avec qui il était en famille dans une véritable compagnie commerciale qui fut officiellement montée le 1er octobre 1493 avec un capital de 90 000 livres. Le succès fut de courte durée car les finances de la compagnie étaient fortement tributaires de celles du roi. Dès 1493, Jean se retrouva à nouveau seul à la tête de la boutique de l’argenterie. Déjà débiteur de la boutique, le roi se retrouva avec une dette de plus de 200 000 livres. La guerre d’Italie vint peser encore un peu plus sur ses finances. Charles VIII mourut au moment où il s’apprêtait à verser un premier paiement pour rembourser en partie sa dette. Son successeur, Louis XII, refusa quant à lui de procéder au versement promis. À court de liquidité, la compagnie du être mise en liquidation le 12 avril 1499. Jean Poncher dut essuyer seul le mécontentement ses créanciers et fut condamné pour dette à une peine de prison [Chevalier, 1983, p. 188-190].

Une dernière génération de Tourangeaux s’empressa de remonter une affaire et de prendre la tête de la boutique de l’argenterie. Les frères Jean et Méry Testu, marchand de l’argenterie et marchand suivant la cour, s’associèrent à Jean et Louis Dodieu. Les affaires restèrent les mêmes que précédemment. Ils jouèrent d’ailleurs un rôle considérable dans les funérailles de Louis XII puisqu’ils fournirent pour plus de 40 282 livres de marchandises [Chevalier, 1983, p. 191]. Si d’autres Tourangeaux tentèrent de prendre leur suite comme Thibaud Tardif et Jean Claveau au tournant des XVe et XVIe siècles, les affaires furent bien moins florissantes. Le départ de la cour et du roi de la cité tourangelle favorisa les marchands lyonnais et parisiens qui supplantèrent progressivement les Tourangeaux, marquant ainsi la fin de la suprématie tourangelle sur la boutique de l’argenterie. L’introduction des lyonnais Dodieu était venue enrayer une machine parfaitement huilée [Chevalier, 1983, p. 190-191]. Cependant, jusqu’à la fin du XVIe siècle, il est clair que des marchands tourangeaux (comme les Fichepain) restèrent au service de l’Argenterie, c’est-à-dire qu’ils répondaient régulièrement aux demandes matérielles des hôtels royaux et en tiraient de substantiels revenus.

 

Bibliographie

Chevalier Bernard, Tours ville royale 1356-1520, Chambray, C.L.D., 1983.
Mollat du Jourdin Michel, Les affaires de Jacques Cœur: Journal du procureur Dauvet, procès-verbaux de séquestre et d’adjudication, T. I et II, Paris, Armand Colin, 1952.


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