Tours, actuelle rue des Halles
Un des principaux centres de pèlerinage de l’espace français au Moyen Âge, l’abbatiale Saint-Martin est également un monument central de la topographie tourangelle et dans l’histoire du développement de la ville de Tours. Elle est construite sur la tombe de saint Martin, ce soldat romain du IVe siècle, né en Pannonie (Hongrie actuelle), qui fit don de son manteau à un pauvre, et qui, dévouant ensuite sa vie à Dieu, devint évêque de Tours et un des principaux diffuseurs du monachisme en Gaule moyenne, et particulièrement en Poitou et dans la vallée de la Loire. Après sa mort à Candes en 397, son corps fut rapatrié à Tours [Lelong, 1986, p. 13]. Pour y installer le tombeau, fut élevé un premier sanctuaire en bois dans les années 430 [Lelong, 1986, p. 14]. L’édifice passe également pour avoir abrité un reste du manteau de saint Martin [Renaissance Transmedia Lab]. En 471, l’évêque Perpetuus voulut donner une nouvelle dimension au sanctuaire et fit bâtir la première basilique [Lelong, 1986, p. 15]. Il fallut attendre 818 pour que la basilique soit érigée en collégiale. Après plusieurs ravages et incendies, la basilique fut reconstruite et à nouveau consacrée en 1014 [Lelong, 1986, p. 32]. D’importants travaux furent entrepris entre 1175 et 1180 [Lelong, 1986, p. 35]. L’ensemble de l’abbaye fut remanié avec l’ajout de croisées d’ogives au niveau de la Nef et du transept et la reconstruction de la tour de l’horloge notamment (encore visible aujourd’hui). Le Chœur fut rebâti dans le deuxième quart du XIIIe siècle. La Renaissance y ajoute une pièce très importante et remarquable : le cloître qui fut en partie remanié entre 1509 et 1518 et dont es travaux furent confiés au maître maçon Bastien François.
Au XVIe siècle, la basilique qui s’offrait à la vue des habitants et pèlerins était un imposant édifice situé en plein cœur du quartier de Châteauneuf. Deux tours flanquaient la façade, la vieille tour au nord et la tour du Trésor (aujourd’hui tour de l’Horloge) au sud. L’entrée principale, à l’est, se faisait par la porte de l’Orgue. Elle donnait accès à une vaste nef longée de deux bas-côtés doubles. Sur le flanc nord de la nef s’élevaient deux chapelles construites en 1463 et en 1478. La porte du Change, qui donnait sur la rue du même nom, permettait un accès depuis le Nord. Il s’agissait de la porte la plus utilisée notamment lors des entrées solennelles des archevêques de Tours [Lelong, 1985, p. 162]. Sur le versant sud, 7 chapelles avaient été aménagées entre 1340 et 1435. La nef débouchait sur un transept comprenant à ses extrémités les tours Charlemagne au nord et du Cadran au sud. Le centre du transept était occupé par le chœur liturgique. Au-delà se trouvait le sanctuaire dédié à Saint-Martin autour duquel se déployait une abside à 5 chapelles rayonnantes. L’accès au cloître se faisait par le flanc sud de la basilique [Plan géométral, 1779].
L’abbaye bénéficia des libéralités des souverains successifs en particulier lorsque ceux-ci résident en Val-de-Loire. Charles VII offrit une nouvelle châsse dans laquelle les reliques de Saint-Martin furent transférées en 1453 à l’occasion d’une grande célébration. Six ans plus tard, le roi fit don d’une cloche et l’année suivante un reliquaire en or [Mesnard, 1961, p. 93]. Louis XI entretint des relations privilégiées avec les chanoines de Saint-Martin. En 1463, il fit construire l’une des chapelles nord. Dédiée à saint Martin, elle fut édifiée en remerciement de la capitulation de Perpignan. Elle fut agrémentée de vitraux représentant des épisodes de la vie de Clovis [Grandmaison, 1868, p. 117]. Une quinzaine d’années plus tard, en 1479, l’église fut dotée, par ses soins, d’une grille en argent massif destinée à entourer le tombeau du saint [Mesnard, 1961, p. 96]. Chaque fois, les chanoines rendirent aux souverains les bonnes grâces dont ils bénéficièrent. Ils organisèrent une grande messe à la mémoire de Charles VII [Mesnard, 1961, p. 93] et allèrent en procession chercher le corps de Louis XI au château du Plessis pour l’exposer dans Saint-Martin avant que celui-ci ne fût conduit vers sa dernière demeure [Mesnard, 1961, p. 97]. Anne de Bretagne, reine de France, choisit la basilique comme lieu de sépulture de ses deux fils aînés morts prématurément. Leur tombeau fut installé dans le chœur liturgique de Saint-Martin en 1506. Par la suite, les relations entre les rois et les chanoines furent plus contrastées. Le besoin constant d’argent pour financer les guerres d’Italie aboutit à des relations plus tendues. Bien que les privilèges de Saint-Martin furent confirmés par Louis XII [Mesnard, 1961, p. 97] et François Ier, ces derniers demandèrent des participations financières aux chanoines. L’apogée de ses tensions se traduisit par la saisie en 1522 de la grille d’argent offerte par Louis XI. François Ier s’en empara par la force et la fit fondre pour émettre de la monnaie [Mesnard, 1961, p. 98].
En 1562, la basilique fut envahie par les protestants. Le montant des dégâts et des vols fut estimé à 1 200 000 livres [Lelong, 1986, p. 114]. Dès la fin du siècle, la basilique montra les premiers signes de dégradation. L’état général de l’édifice alerta à plusieurs reprises au cours des XVIIe et XVIIIe siècles [Lelong, 1986, p. 120-121]. Une vaste campagne de travaux fut entreprise à partir des années 1780 pour sauver le bâtiment déjà en ruine [Lelong, 1986, p. 123]. A la Révolution la basilique fut saisie, déclarée bien national et convertie en église paroissiale. Fermée après le ravage des sans-culottes en 1793, la basilique devint une écurie à partir de l’année suivante. En 1797, une partie de l’édifice s’effondra et la municipalité décida de la raser par mesure de précaution. Cette destruction fut également l’occasion de percer la rue des Halles au milieu de ce qui fut la nef.
Seules les tours Charlemagne et de l’Horloge (ancienne tour du Trésor) [Lelong, 1986, p. 125] et une partie du cloître furent conservées, non sans avoir subi quelques dommages. La tour de l’Horloge vit sa flèche supprimée à la Révolution. Elle fut remplacée par un dôme à Lanternon destiné à accueillir l’une des cloches rescapées de l’église paroissiale Saint-Saturnin [Ranjard, 1949, p. 71]. La tour Charlemagne, quant à elle, connut plusieurs usages. Elle abrita tout d’abord une fabrique de plomb de chasse avant d’être investie par un menuisier, puis d’être transformée en château d’eau. Il faut ajouter à cela l’incendie qu’elle connut en 1826 et le tremblement de terre de 1927. Tous ces événements eurent raison de la tour qui s’effondra en partie en 1928 [Lelong, 1986, p. 131]. Sa restauration fut entreprise en 1962. Les deux tours furent classées au titre des monuments historiques au cours du XIXe siècle [Base POP, IA00071347].
Une nouvelle basilique émergea entre 1886 et 1902 selon les plans de l’architecte Victor Laloux. Bien plus modeste que l’ancienne, elle fut construite dans un style néo-byzantin à l’angle de la rue des Halles et de la rue Descartes [Lelong, 1986, p. 130-131]. Des pavés de couleurs installés rue des Halles permettent aujourd’hui d’indiquer l’emplacement de certains des anciens piliers de la nef de la basilique médiévale.
Bibliographie
Chevalier Bernard, « Histoire du tombeau de Saint Martin à Tours », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 5, 1880, p. 11-47.
Grandmaison Charles-Louis, « Notice sur les anciennes chasses de Saint-Martin de Tours », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. I, 1868, p. 110-123.
Lelong Charles, La Basilique Saint-Martin de Tours, Chambray, C.L.D., 1986.
Lelong Charles, « Les portes de la basilique Saint-Martin », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 41, 1985 p. 159-173.
Mesnard Pierre, « La collégiale de Saint-Martin à l’époque des Valois », dans Revue d’histoire de l’Église de France, tome 47, n°144, 1961, p. 89-100.
Ranjard Robert, La Touraine archéologique : guide du touriste en Indre-et-Loire, Mayenne, Imprimerie de la Manutention, 1949.
Renaissance Transmedia Lab, Université de Tours.