Tours, 32 rue Briconnet
Cette maison se tient à l’angle de la rue Briçonnet et de l’entrée du jardin Saint-Pierre le Puellier. Sa façade principale donne sur le croisement formé par la rue des Trois Pucelles (l’actuelle rue Briçonnet) et la rue du Mûrier. En 1749, la description du fief du Bourg-Saint-Père mentionne que « messieurs de Saint Pierre possèdent seuls cette maison depuis la mort du sieur Bruslon » [AD 37, G 376]. Auparavant, cette maison dépendait de l’église Saint-Pierre le Puellier située au sud, qui la bordait de son cloître à l’est et ses maisons canoniales.
L’église fut en grande partie détruite en 1791 et la maison voisine fut rasée après 1950. Le plan s’adapte au parcellaire étroit de par la proximité des édifices religieux. La maison s’étend en profondeur, avec deux pièces en enfilade, et s’élève sur cinq niveaux. Son escalier d’origine a disparu, remplacé par un escalier hors-œuvre du XVIIe siècle qui est commun à cette maison et à la maison contigüe. La descente de la cave, où prend place un puits, s’effectue par un escalier droit en pierre situé à l’aplomb de l’escalier en bois à balustres du XVIIe siècle [Bonnin, 1979, p. 125-126].
La distribution est habituelle. Au rez-de-chaussée, la boutique est séparée des parties privatives qui sont accessibles par une porte surmontée d’un jour donnant dans un couloir menant à l’escalier. Le rez-de-chaussée en pierre est surmonté de trois étages construits en encorbellement, en pan de bois à losanges. Des marques de charpenterie sur les colombes témoignent de la numérotation portée sur les bois pour leur montage.
L’encorbellement repose sur la sablière de chambrée s’appuyant sur une entretoise¹, le tout est soutenu par des consoles en bois sculptées de personnages. Celui de gauche pourrait être identifié comme saint Paul si l’on en croit ses attributs assez effacés : une épée et un livre. À droite, il pourrait vraisemblablement s’agir de saint Pierre, pendant courant à saint Paul, mais dont les attributs restent illisibles.
Les étages en encorbellement sont éclairés d’une Travée de fenêtres centrée sur la façade. Celle-ci était essentée d’ardoises comme l’attestent des photographies datant des années 1950 sur lesquelles les sculptures des saints sont bien visibles. Des engoulants ouvrent une large mâchoire dentée qui croque l’about de la sablière. La créature mêle les traits d’un dragon et d’un loup ou d’un chien [Dreyfus, 2007, p. 35]. Une autre créature, mâchoire fermée, est sculptée sur le poteau cornier. Saint Pierre et saint Paul accompagnés d’un Engoulant se rencontrent dans d’autres lieux comme l’église de Bailleau-sous-Gallardon [Dreyfus, 2007, p. 49]. Sur l’amorce du Meneau de la Croisée du premier étage, on observe encore les vestiges d’un Christ en croix qui a sans doute été bûché en vue de la pose de l’essentage d’ardoises. L’association de personnages bibliques à des engoulants pourrait se plier à une lecture symbolique, opposant le bien au mal.
Les moulures prismatiques des sablières, les engoulants, les culots ornés de grosses feuilles de choux ainsi que les lourds plis en « V » des statues caractérisent une construction de la fin du XVe siècle ou du début du siècle suivant [Alix, 2019, p. 287]. Le décor de la maison tient aussi à l’ossature secondaire du pan de bois qui possède une structure à losanges au caractère hautement décoratif [Noblet, 2013, p. 211].
Note de bas de page
¹ Un assemblage identique se retrouve au 1-3 place Foire-le-Roi.
Bibliographie
Alix Clément, « Les décors des façades en pan-de-bois » dans Orléans, ville de la Renaissance. Presses universitaires François-Rabelais, 2019, p. 283-300.
Archives départementales d’Indre-et-Loire (AD 37), G 376 (Registre.) – In-folio, 338 feuillets, papier. 1749. – Description du fief du Bourg-Saint-Père, contenant le relevé des cens et rentes, suivi de la recette, enrichi de notes par le chanoine Favier.
Base POP, IA00071448 et PA00098212.
Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art, sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979].
Bonnin Martine, Toulier Bernard, « La maison à pan de bois » dans Toulier Bernard (commissaire), L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoires de la Société archéologique de Touraine, série 4°, T. 10, 1980, p. 63-72.
Dreyfus Zoé, Le motif de l’engoulant sur les charpentes des églises du département d’Eure-et-Loir (28) à la fin du XVe et au XVIe siècle, mémoire de master II d’Histoire de l’Art, sous la direction d’Alain Salamagne, Université François-Rabelais de Tours, [2007].
Noblet Julien, « L’architecture en pan de bois à Tours : nouvelles perspectives », dans Alix Clément et Épaud Frédéric (dir.), La construction en pan de bois : Au Moyen Âge et à la Renaissance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.