Tours, 7 rue des Halles
À l’instar de Jacques de Beaune, Thomas Bohier, seigneur de Chenonceau et général des finances de Normandie sous les règnes de Charles VIII, Louis XII et François Ier, se fait bâtir, en la paroisse Saint-Saturnin, un véritable palais urbain sur environ 4000 m² [Chevalier, 2006, p. 214]. S’il semble que le seigneur de Chenonceau avait déjà des possessions dans la paroisse, l’établissement de son hôtel débute véritablement à l’achat de plusieurs maisons. Deux premières, contiguës, sont acquises le 25 février 1494 et deux autres lui sont cédées quelques mois plus tard. Ces deux maisons sont limitrophes des jardins d’Antoine de Beaune et de l’hôtel de La Massetière. Le 16 décembre 1496, vient s’ajouter une autre demeure. L’achat s’élève alors à 1812 l. et 10 s.t. Il faut ensuite attendre le 17 janvier 1502, pour que Thomas Bohier procède à l’acquisition d’une nouvelle propriété. Il acquiert ainsi les trois quarts de la maison dite des Trois Maries pour 986 l.t. Le dernier quart suit un an plus tard [Bossebœuf, 1899, p. 196-199]
Afin d’obtenir un accès privatif à l’église Saint-Saturnin, où il possède une chapelle, le général des finances loue à rente à la propriétaire de l’hôtel de La Massetière, Jeanne de La Rochefoucault, une allée de deux mètres de large qui longe ses jardins, reliant l’hôtel Bohier au cimetière de Saint-Saturnin [Bossebœuf, 1899, p. 198-199]. Cette allée est complétée par un accès qui Traverse le cimetière jusqu’à l’église donné par les fabriciers de la paroisse le 13 mars 1500 [Bossebœuf, 1899, p. 200]. Au début du XVIe siècle, Thomas Bohier a ainsi profondément remembré la topographie urbaine du quartier pour son utilisation personnelle.
À la mort de Thomas Bohier en 1524, ses fils héritent de cet hôtel, mais ils finissent par le vendre le 9 janvier 1572 au seigneur de Candé et de La Chassetière, Victor Brodeau. Le 14 octobre 1606, il est à nouveau vendu par les fils de Victor, avec l’accès à l’église Saint-Saturnin et le droit de ban, à Charles Chartier, seigneur des Coudrais, pour 16 500 livres tournois. Il change à nouveau de propriétaire le 16 juin 1619 et passe aux mains de Claude Le Fèvre, conseiller du roi, trésorier général de France, seigneur de La Falluère. Sa fille Marthe, le revend, le 22 novembre 1650 pour 21 000 livres tournois, à Marie Galant, veuve de Jean Taschereau, seigneur de Baudry, et à Gabriel Taschereau, conseiller du roi et grand maître réformateur des Eaux et Forêts de Touraine, mais son frère s’y oppose et exerce son droit de retrait lignager direct. Il garde ainsi l’hôtel jusqu’à ce qu’il soit vendu à Claude Le Fèvre, seigneur de La Falluère, en 1694. Plus de 40 ans plus tard, le 7 juillet 1742, il rachète également la rente due aux propriétaires de La Massetière pour l’allée permettant d’accéder à l’église Saint-Saturnin. Son fils Claude-Pierre Le Fèvre garde l’hôtel quelques années après la mort de son père, mais finit par le céder au bureau de l’hôpital des enfants trouvés de Tours. Ce dernier le rachète le 29 avril 1755 malgré son mauvais état et une estimation des réparations s’élevant à plus de 11 000 livres [Bossebœuf, 1899, p. 202-208]. Au cours du XIXe siècle, l’hôtel change encore plusieurs fois de propriétaires. Les familles Chabrefy, Petit et Dastre s’y succèdent [Bossebœuf, 1899, p. 232] avant qu’il ne soit détruit par les bombardements en juin 1940. Lors de sa destruction, il ne restait de Renaissance qu’une partie du rez-de-chaussée et notamment une galerie, à l’ouest, avec des voûtes d’ogives, et une cheminée. Déjà, courant XVIIIe siècle, la partie de l’hôtel qui abritait la chapelle, les écuries et des remises avait été transformée en logements et en boutiques.
Chacune des ventes est l’occasion de donner quelques éléments de description sur l’agencement de la parcelle et des bâtiments de l’hôtel. On nous décrit ainsi une vaste demeure composée de plusieurs corps de logis avec galeries, caves voûtées, cour, jardin et écuries. L’acte de rachat de la rente due à l’hôtel de La Massetière comprend également un descriptif de l’allée qui permettait de rejoindre le cimetière de Saint-Saturnin. On sait ainsi que l’accès longeait les jardins de La Massetière, mais aussi ceux du directeur de la Monnaie et du seigneur de La Falluère et que l’escalier sur lequel débouchait le passage était commun avec la veuve Chavanne [Bossebœuf, 1899, p. 207].
Bibliographie
Bossebœuf Louis, « Les maisons historiques de Tours. L’hôtel Bohier ou de La Falluère », dans Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. T. 12, Tours, L. Péricat, 1899-1900, p. 195-208.
Chevalier Bernard, « Nouveau regard sur Thomas Bohier », dans Bulletin de la Société Archéologique de Touraine. Tome 52, 2006, p. 211-222.