On ignore tout de l’histoire de la statue de Saint Jacques actuellement conservée à l’entrée ouest de la basilique Saint-Martin. Elle a été découverte au milieu du XIXe siècle, à proximité de l’ancienne abbatiale Saint-Martin et de l’église Notre-Dame-de l’Écrignole [Droguet, Réau, 1993, p. 37].
Saint Jacques le Majeur fut, avec son frère saint Jean l’Évangéliste, l’un des douze apôtres. Très proche de Jésus, il assista à la Transfiguration et fut présent au jardin des oliviers. Son apostolat n’est pas connu mais une légende développée à partir du Xe siècle dans le contexte de la Reconquista veut qu’il ait évangélisé l’Espagne et qu’en saint patron du pays, il soit apparu au roi Ramire avant la bataille – probablement légendaire – contre les Infidèles à Clavijo en 844. Le corps du saint serait enterré en Galice, à Compostelle, où se développa dès le Moyen Âge un pèlerinage très populaire [Réau, 1958, p. 691] dont l’une des principales étapes en France était Tours [Réau, p. 693]. Patron des chevaliers et des pèlerins, son culte atteignit son apogée aux XIVe et XVe siècles.
La statue conservée à Saint-Martin n’est pas sculptée dans le dos, elle devait être initialement adossée à un mur, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Saint Jacques se tient debout, en appui sur la jambe droite, dans un contrapposto à peine perceptible sous l’épais manteau qu’il lui couvre l’épaule gauche et le flanc droit. Le visage, orné d’une longue barbe bifide et ondulée, est tourné vers la gauche. La ligne des épaules ne respecte pas une stricte frontalité mais est légèrement projetée vers l’avant au niveau du bras droit qui, d’après ce qui en reste aujourd’hui, devait être tendu sur le côté. Sous le manteau, saint Jacques porte une tunique à manches longues, une besace en bandoulière et un chapeau à bords retroussés. De la main gauche, il maintient devant lui un livre ouvert, qui symbolise la Nouvelle Loi. La main droite manquante devait tenir un bourdon, le bâton de voyage des pèlerins et un des attributs traditionnels du saint, tout comme la coquille et un motif de bourdons croisés qui ornent son couvre-chef. La figure condense ainsi l’image de l’apôtre et celle du pèlerin.
Le bras droit a été arraché et la surface de la statue est par endroits très usée comme au niveau de la jambe et de la main gauche. Le visage est également endommagé ; on perçoit néanmoins la bouche légèrement ouverte et des traits assez marqués. En dépit des détériorations, les qualités d’exécution sont encore perceptibles notamment dans le traitement des drapés ou dans celui de la barbe. La ligne sinueuse des plis des vêtements ainsi que la légère torsion suggérée par l’orientation contradictoire de la tête, des épaules et de la jambe gauche permettent d’animer la figure et de proposer deux points de vue différents, un frontal et l’autre latéral. Par son style, la statue de Saint Jacques peut être datée vers 1540-1550. Si le traitement de la pilosité en épaisses mèches ondulées ou l’expressivité du visage évoquent bien certaines œuvres de François Marchand [Droguet, Réau] (Le Grand Prêtre du tour de Chœur de Chartres ou le Saint Paul du musée des Beaux-Arts de Chartres), les lourdes étoffes ne trouvent en revanche pas d’écho chez le maître orléanais.
La statue était sans doute peinte à l’origine, comme le laissent à penser les traces de badigeon jaune beige que l’on peut encore percevoir. Elles rappellent celles qui recouvrent par endroits le relief de Marc de la Rue avec sa famille devant le Christ bénissant, également conservé dans la basilique. Les deux œuvres partagent en outre un thème commun puisque, dans le relief, les personnages agenouillés sont figurés en pèlerins avec un chapeau à larges bords et un bourdon. Ainsi, la statue passe pour avoir appartenu à la chapelle de la Miséricorde de Notre-Dame-de-l’Écrignole où le relief était exposé [Droguet, Réau, p. 37].
Bibliographie
Droguet Vincent, Réau Marie-Thérèse, Tours, décor et mobilier, Orléans, Inventaire général des monuments et richesses artistiques de la France, 1993, p. 37-38.
Réau Louis, Iconographie de l’art chrétien, T. III, II, Paris, PUF, 1958.