Inscriptions : « Vere langores n[ost]ros ip[s]e tulit et dolores n[ostr]os ipse portavit », trad. : En fait, c’étaient nos souffrances qu’il portait, nos douleurs dont il était chargé (Isaïe 53, 4).
« Xr[istu]s semel pro peccatis nostris mortuus est istus pro i[n]iustis », trad. : Le Christ est mort une fois pour les péchés, le juste pour les injustes (I Pierre, 3-18).
La Pietà de Nouans, découverte en 1931 par Paul Vitry, conservateur des sculptures au musée du Louvre, reste l’unique peinture religieuse conservée attribuée à Jean Fouquet. En dépit de sa qualité et de ses grandes dimensions, aucune information sur son histoire ou sur sa provenance n’a été relevée dans les archives. En outre, le donateur, qui apparaît en prière à droite du tableau, n’a pas été identifié bien que plusieurs noms aient été proposés [Avril, 2010, p. 158 et Girault, dans Art et société, 2016, p. 94].
Le panneau a conservé son cadre d’origine qui porte des inscriptions latines en lettres dorées. La scène représentée, qui n’est pas décrite dans les Évangiles, constitue un épisode intermédiaire entre la Descente de croix et la Déploration. Nicodème et Joseph d’Arimathie déposent le Christ mort sur les genoux de sa mère assise au sol devant la croix. Celle-ci, en prière, a le visage couvert de larmes, tout comme l’apôtre Jean, qui se tient derrière elle. À l’arrière se tiennent deux hommes âgés enturbannés dont l’un regarde en direction des fidèles. À droite de la croix, quatre saintes Femmes vêtues d’une guimpe blanche et d’un voile noir se recueillent dans une prière silencieuse. Le sang sur le poteau de la croix, les trois clous déposés devant les jambes du Christ et la couronne d’épines accompagnée du marteau dans l’angle inférieur gauche du tableau évoquent la Passion. Le corps immaculé du Christ n’est marqué d’aucune trace de souffrance exceptés les stigmates aux pieds et aux mains et la plaie au côté. La partie droite de l’œuvre est réservée au donateur agenouillé en prière. Le vêtement, large surplis blanc qui recouvre une soutane doublée de fourrure, et l’aumusse (capuchon de fourrure) qu’il porte sur son bras droit le désigne comme un chanoine ce que confirme également sa tonsure [Reynaud, 1981, p. 40]. Le saint qui l’accompagne, identifiable comme étant saint Jacques en raison du bourdon (bâton de pèlerin) et du chapeau porté à larges bords, permet de supposer qu’il se prénommait Jacques sans permettre cependant de préciser son patronyme.
Ce grand tableau d’autel, dont le thème et les dimensions demeurent exceptionnelles dans l’œuvre de Jean Fouquet, constitue l’une des œuvres majeures de la peinture française du XVe siècle. La composition très élaborée est décentrée à dextre (sur la gauche) et présente tous les protagonistes en frise sur un fond bleu uniforme. Fondée sur l’exposition du corps du Christ aux yeux du clergé et des fidèles, elle invite à la prière et à la méditation. Le peinture à pris en compte dans la composition même l’emplacement de l’œuvre en hauteur : les corps de Nicodème et de Joseph d’Arimathie accusent un fort raccourci et les jambes de la Vierge sont escamotées afin de faire basculer le corps du Christ à l’avant de la représentation. Fouquet installe dans un étroit triangle les visages de Marie, Jésus et Jean, cette forme trinitaire étant reprise par le grand manteau blanc de la Vierge auquel s’intègre le périzonium du Christ. Deux contrepoints obliques viennent clore ce groupe : Joseph d’Arimathie qui soutient le buste du Christ et dont la poitrine est barrée par un pan du saint suaire et Nicodème dont le dos courbé accompagne la ligne montante du bras de Jean. Traités en fort volume et baignés par la lumière provenant de la gauche, ces personnages se distinguent du reste des protagonistes par leur volume sculptural.
Bibliographie
Girault Pierre-Gilles, « Quelques artistes tourangeaux et leurs clients en quête d’identité : de Jean Fouquet au Maître de Claude de France », dans Boudon-Machuel, Charron Pascale (dir.), Art et société à Tours au début de la Renaissance, actes du colloque du 10 mai au 12 mai 2012), Turnhout, Brepols, 2016, p. 94-114.
Avril François (dir.), Jean Fouquet, peintre et enlumineur du XVe siècle, catalogue de l’exposition de la BnF du 25 mars au 22 juin 2003, Paris, BnF, Hazan, 2010.
Reynaud Nicole, Jean Fouquet, catalogue de l’exposition du musée du Louvre du 16 janvier au 19 avril 1981, Paris, Éditions des Musées nationaux, 1981.