Tours, îlot compris entre le rue Traversaine (rue Nationale), la Grand-Rue (rue Colbert), la rue Neuve (rue Jules Favre) et le rue Berthelot.
L’hôtel de Beaune-Semblançay, dont plusieurs vestiges subsistent encore aujourd’hui, était le résultat de plusieurs campagnes de constructions. Situé à l’angle de la Grand-Rue et de la rue Traversaine (actuelles rues Colbert et Nationale), l’imposant palais fut élevé autour d’un édifice de taille bien plus modeste dont Jacques de Beaune, baron de Semblançay dès 1515, officier des finances pour les rois Charles VIII, Louis XII et François Ier, avait hérité en 1486 de son père Jean. L’agrandissement à partir du noyau primitif s’effectua dans un premier temps vers le sud. Pour cela, Jacques de Beaune procéda à l’achat des maisons attenantes à l’hôtel de son père, le long de la rue Traversaine. Il entreprit des travaux sur les bâtiments nouvellement acquis comme en atteste un contrat du 12 septembre 1505 passé avec le charpentier Thomas Vallée pour la réfection d’un escalier et d’une chambre haute. Il en fit également démolir la partie arrière, libérant ainsi un espace destiné à accueillir un nouveau corps de logis en brique et pierre dans le prolongement de l’hôtel primitif. Ce corps de logis, dont l’édification fut confiée en 1507 à Guillaume Besnouart, maître maçon, et à Thomas Vallée associé pour l’occasion à Adam Bourriot, comprenait, les archives en attestent, une garde-robe et une chapelle.
La seconde campagne se déroula en 1518. Par lettres patentes du 14 février 1518, Louise de Savoie, mère de François Ier, fit don à Jacques de Beaune de l’hôtel de Dunois qu’elle avait acquis peu de temps avant. L’édifice, situé à l’angle de la Grand-Rue et de la rue Neuve (actuelle rue Favre), fut relié au premier de l’hôtel de Beaune par une aile se développant sur trois niveaux. La construction d’un pavillon dans le prolongement sud du logis de 1507 et d’une aile en retour composée d’une galerie au rez-de-chaussée et d’une chapelle à l’étage est également décidée cette année-là. À l’achèvement des travaux, l’hôtel de Beaune-Semblançay constituait un ensemble organisé autour d’une cour, probablement agrémenté de jardins.
À la disgrâce Jacques de Beaune en 1525, qui se solda par sa mort par pendaison en 1527, ses biens furent saisis, morcelés puis vendus. En 1543, l’hôtel fut acquis par Laurent Le Blanc, seigneur de La Vallière, Astremoine Dubois, seigneur de Marray et François Auré, probablement pour les héritiers de Beaune qui conservèrent le bien dans leur patrimoine jusqu’à sa revente en 1634 aux Jésuites de Tours pour 24 000 livres tournois qui en firent leur collège. Ils en furent dépossédés en 1763, l’hôtel fut alors converti en presbytère et sacristie pour l’église Saint-François-de-Paule devenue église paroissiale, avant de redevenir privé entre les mains de M. Loiseau qui entreprit d’importantes restaurations.
Les éléments encore visibles illustrent l’évolution et les innovations architecturales et décoratives du début de XVIe siècle. Dans la façade de la chapelle, les baies trilobées sont d’un aspect encore gothique et reflètent la fonction religieuse des lieux. Elles sont séparées par des pilastres lisses ornés de disques et coiffés de chapiteaux composites qui évoquent le nouveau style venu d’Italie. Au rez-de-chaussée, la galerie, constituée d’arcs en anse de panier reposant sur des colonnes ioniques, est ornée de cinq médaillons d’empereurs romains, éléments de décor issu du monde antique. La façade du logis nord s’ouvre sur la cour par de grandes fenêtres rectangulaires à meneaux. Au rez-de-chaussée, des pilastres cannelés supportent un entablement composé de deux fasces et d’une architrave nue. L’étage reprend le même ordonnancement. Les fûts des pilastres y sont en revanche lisses et reçoivent un décor de losanges taillés dans de l’ardoise, tout comme les métopes situées à l’aplomb des pilastres sur les deux niveaux. Les chapiteaux sont sculptés de fins rinceaux et de figures d’angles assez saillantes, pour la plupart des créatures hybrides. L’hôtel de Beaune illustre le style de la première Renaissance qui fut également adopté pour d’autres constructions majeures du Val de Loire.
Jacques de Beaune, lors de la seconde campagne de travaux en 1518, était surintendant des finances de François Ier, position privilégiée au cœur du pouvoir royal. Le décor sculpté reflète parfaitement le désir du propriétaire des lieux de consolider sa situation. En effet, on trouve un peu partout des indices de sa fidélité à la reine et à son fils. La cordelière qui ondule sur la frise située au-dessus des arcs de la galerie sud est par exemple un attribut habituel de saint François de Paule à qui le souverain devait son nom. En outre, on remarque la présence de deux emblèmes de Louise de Savoie dans des écus placés au-dessus des médaillons d’empereurs. Jacques de Beaune rend ainsi hommage à celle qui lui avait offert le palais Dunois et qui l’avait peu de temps avant élevé au rang de baron de Semblançay.
Œuvre de premier ordre de la Renaissance à Tours, l’hôtel de Beaune a malheureusement souffert des affres du temps et surtout des bombardements de 1940. Aujourd’hui, seuls quelques vestiges, dont la galerie et la chapelle de 1507 et une partie de la façade sur cours du logis de 1518, témoignent des ambitions architecturales de Jacques de Beaune. La fontaine située aujourd’hui dans la cour de cet hôtel était à l’origine une fontaine publique, construite vers 1510, et se trouvait sur la place située au carrefour de la Grand rue (aujourd’hui rue Colbert-rue du commerce) et de la rue Traversaine (aujourd’hui rue Nationale).
Bibliographie
Grandmaison Charles-Louis, « Notice sur l’hôtel de Beaune-Semblançay », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 1, 1868-1870, p. 179-186.
Guillaume Jean, Toulier Bernard, « Tissu urbain et types de demeures: le cas de Tours », dans La maison de ville à la Renaissance, Paris, Picard, 1983, p. 12-13 et fig. 23-24.
Vitry Paul, Tours et les châteaux de Touraine, Paris, H. Laurens éditeur, 1924, p. 86-88.