Tours, place Paul-Bert
Une charte de 908 [Bibliothèque de Tours, fonds Salmon, ms. 1224, f. 238-242] mentionne saint Perpet qui dota l’église de Saint-Symphorien, mais elle ne précise pas s’il l’avait bâtie ou non [Bas, Guignard, 1909, p. 292]. La paroisse constituée par saint Perpet aurait donc eu pour limites au sud la Loire, à l’est et à l’ouest à peu près les bornes actuelles et au nord le ruisseau de Mié [Bas, Guignard, 1909, p. 293]. L’église de Saint-Symphorien présente aujourd’hui un plan de forme irrégulière, résultat des constructions ou des agrandissements à des époques successives.
L’église du XIIe siècle
L’église du XIIe siècle était petite (25 m de long sur 6 m de large), ce qui peut s’expliquer par la nature du sol, très perméable, le niveau de l’eau dépendant des variations de la Loire. Il fut donc nécessaire d’asseoir solidement l’édifice et d’en limiter les dimensions [Bas, Guignard, 1909, p.297]. L’abside et le choeur dénotent du reste de l’église : les contreforts qui soutiennent les piliers de l’abside et du Chœur existent encore ; ils ont été conservés et utilisés dans les constructions postérieures. Le plan de cette église était donc très simple ; il présentait un rectangle allongé terminé par une abside à trois pans légèrement inclinée vers le sud.
L’église du XVe siècle
Au début du XVe siècle, la population du quartier de Saint-Symphorien avait considérablement augmenté. L’église était devenue trop petite et il s’imposait de l’agrandir [Bas, Guignard, 1909, p.308], ce qui se fit par étapes successives. Pour racheter le niveau de sol des rues environnantes, qui dominait l’église dont on avait décaissé l’assiette au XIIe siècle, il fut nécessaire d’enfouir les piliers romans d’environ 2 m. L’architecte conserva en grande partie l’édifice primitif qui fut agrandi d’une Nef et de collatéraux [Bas, Guignard, 1909, p.309-313].
L’église du XVIe siècle
L’église du XVe siècle ne tarda pas à être insuffisante et de nouveaux agrandissements furent jugés indispensables au XVIe siècle. La seconde Travée de la nef fut ajoutée et le reste du collatéraux construit un peu plus tard, en même temps que le bras du transept sud. La façade ouest et son portail datent également du XVIe siècle [Bas, Guignard, 1909, p.313-314].
Le portail
Si la façade ouest avec son fronton aigu, la tourelle qui accueille la vis du clocher et l’immense toit massif sont ordinaires, le portail Renaissance est remarquable. Il s’inscrit dans une large structure en portique où deux niveaux de pilastres superposés portent un entablement couronnés d’un gâble dont le Tympan est percé d’un Oculus. Au centre de ce portique, s’ouvre un large arc en plein cintre, à la Voussure ornée d’inscriptions et couronnée d’une archivolte ornée de S affrontés couchés. Les deux vantaux de portes, couverts d’arcs en anse de panier, qui s’ouvrent en partie basse sont encadrés de pilastres ornés de disques au-dessus desquels prennent place des statues entre piédestal et Dais. Entre les statues et au-dessus des portes, un entablement supporte le remplage ajouré de 4 lancettes en accolades surmontés de soufflets.
Estompés et recouverts d’une épaisse couche de peinture, les vantaux des portes conservent toutefois encore deux bas-reliefs, disposés en partie supérieure. Celui de gauche représente saint Symphorien prêt à recevoir le martyre : à genoux, les mains jointes, il attend son exécution ; debout derrière lui, un soldat, l’épée haute, prêt à lui asséner le coup mortel. Celui de droite, saint Jérôme, est accompagné du lion [Bas, Guignard, 1909, p.328]. Les piédroits de la porte reçoivent des candélabres terminés par des losanges marquant le départ de l’arc.
Sur les arcs, se lit un poème en latin [Bas, Guignard, 1909, p.329] :
« Regi sidereo jubilemus corde benigno,
Qui superis sanctum sociavit Symphorianum.
Angelicis turmis sociatus Symphorianus
Oret pro nobis pietatem cuncta Potentis. »
« Le cœur plein de piété, rendons grâces au Roi
des deux qui a placé saint Symphorien dans la so-
ciété des bienheureux. Que Symphorien, vivant au
milieu des chœurs angéliques, implore pour nous la
bonté du Tout-Puissant. »
L’arc sur lequel se broche un personnage mutilé qui tient en ses mains une console en volute à la clef reçoit des inscriptions. Elles sont en grande partie effacées mais en 1909, Henri Bas et Victor Guignard, puis en 1930, Robert Ranjard décrivent une inscription qui indique l’année 1526 et le nom de l’abbé André Guillot, alors curé de Saint-Symphorien : « André Guillot…, curé de …., a faict commâcer cestuy porte, 1526 » [Bas, Guignard, 1909, p.330; Ranjard, 1981, p.118]. Actuellement, l’état des consoles très érodées n’est pas suffisant pour confirmer cette mention.
Dans les disques des écoinçons, les quatre évangélistes sont figurés par leurs emblèmes, de gauche à droite : un lion (Marc), un homme (Matthieu), un bœuf (Luc) et un aigle (Jean) [Bas, Guignard, 1909, p.325]. Sur les entablement qui surmontent les deux portes,se lit une inscription en relief : « In domum Domini letantes ibimus.Ps. CXXXI. » ou « Nous entrerons avec joie dans la maison du Seigneur. » [Bas, Guignard, 1909, p.329].
Les baies qui surmontent les deux portes sont composées chacune de deux lancettes s’achevant en soufflets. Sur les lancettes, douze médaillons, disposés trois par trois, renferment les bustes des Apôtres [Bas, Guignard, 1909, p.324].
Le pilastre du trumeau et ses pilastres latéraux présentent une disposition analogue. Les piédestaux des trois niches qu’ils supportent, placés à la même hauteur, sont appuyés sur des colonnettes. D’après une photographie ancienne, ces colonnettes n’apparaissent pas. Seuls des pilastres à fût ornés de disques, aujourd’hui en arrière-plan des colonnettes, sont visibles. Les colonnettes sont donc l’œuvre d’une restauration mais il se peut qu’elles aient autrefois existé. Les piédestaux des pilastres sont ornés sur trois côtés de moulures en losange, au milieu desquelles un Cartouche suspendu à un ruban portait une inscription aujourd’hui indéchiffrable. Dans les niches aujourd’hui vides, cette même photographie ancienne atteste d’une statue de la Sainte Vierge portant dans ses bras l’Enfant Jésus dans la niche centrale et des statues de saint Pierre et saint Paul dans les niches latérales. Postérieures au portail, puisqu’elles auraient été exécutées en 1567 d’après une date gravée, elles n’étaient pas destinées primitivement à la place qu’elles occupent. Le saint Paul, trop petit, a été surélevé ; la Vierge, trop large, entrait difficilement dans la niche [Bas, Guignard, 1909, p.331]. La niche du milieu reste semblable aux deux autres mais est plus ouvragée. Au-dessus de la première lanterne, s’élève une seconde lanterne délicatement ajourée. Au sommet prend place la statuette du Christ bénissant.
À l’extérieur du piédroit de la voussure, chaque assise de pierre porte un tableau qui se répète en symétrie sur le côté opposé. Ainsi se décline, en partant du haut : un ange qui somme 1° la Croix; 2° la sainte Tunique ; 3° la Couronne d’épines et les Roseaux ; 4° l’Écriteau de la Croix ; 5° un crâne ; 6° le Marteau et les Clous ; 7° la Lanterne, qui éclairait les soldats lors de l’arrestation de Jésu s; 8° et 9° le calice de l’agonie et la coupe de boisson amère ; 10° les Fouets ; et 11° la Colonne de la Flagellation ; 12° des os [Bas, Guignard, 1909, p.325].
À l’intérieur du piédroit de la voussure, huit caissons octogonaux renferment les instruments qui servent au Saint-Sacrifice de la Messe : 1° Un livre avec les quatre lettres J. H. S. M. Jésus hominum Salvator Maria ; 2° deux torches placées en sautoir ; 3° le plateau avec le manuterge ; 4° les burettes ; 5° le calice ; 6° un missel à la reliure richement ciselée ; 7° les chandeliers ; 8° le bénitier. Ces caissons se poursuivent au-dessus, sous l’intrados, de treize caissons ornés de chardons [Bas, Guignard, 1909, p.325].
La voussure du portail se divise en une triple plate-bande. L’archivolte, qui relie les piédroits portant les instruments de la Passion, est séparé par deux chapiteaux qui comportent une vraie corbeille ornée de rinceaux, nettement distincte du tailloir devenu lui-même plus épais et orné d’une tête, ce type apparaît peu avant 1515 [Guillaume, 2012, p.98]. Les chapiteaux sont similaires à ceux de la façade de l’hôtel de Beaune construit en 1518 [Noblet, Rapin, 2002, p.99 ; Toulier, 1980, p.106]. Le thème du rinceau formant un M renversé se répète en motif. L’arc qui relie les niches latérales reçoit un ornement couramment employé par les sculpteurs de la Renaissance à Tours : les dauphins fantastiques dont la queue s’allonge en rinceaux. Ce motif se rencontre également sur le Lanternon de la tour nord de la cathédrale de Tours réalisé par Sébastien et Martin François en 1504-1507, la tribune de l’église Saint-Clément ou encore la cheminée dite de la Boule d’Or du château du Plessis-lès-Tours. Les pilastres qui supportent le gâble sont divisés en deux registres par des chapiteaux formant piédestal qui portent une niche. Ces chapiteaux sont placés au même niveau que ceux de la voussure. L’ensemble est couronné de putti. Le gâble est percé en son centre d’un tondo souligné d’une guirlande et surmonté d’un frise de S affrontés et couchés. Ce motif est similaire à celui de la porte à l’est de la galerie septentrionale du cloître de la Psalette construite entre 1513 et 1526 [Noblet, Rapin, 2002, p.95].
Le portail arbore un décor d’une grande richesse. La ligne est maîtrisée et le choix ornemental fait preuve de l’adoption d’un vaste répertoire renaissant et d’une iconographie érudite, soutenue par les textes. L’analyse stylistique et les descriptions du XXe siècle attestent une campagne homogène réalisée durant la première moitié du XVIe siècle, vraisemblablement commencée en 1526.
Bibliographie
Bas Henri, Guignard Victor, « Église Saint-Symphorien à Tours », dans Bulletin et mémoire de la Société archéologique de Touraine, T. 48, 1909, p. 287-339.
Base POP, PA00098157
Guillaume Jean, « Les débuts de l’architecture de la Renaissance à Tours », dans Chancel-Bardelot Béatrice de, Charron Pascale, Girault PIerre-Gilles, Guilloüet Jean-Marie (dir.), Tours 1500 Capitale des Arts, Somogy Paris 2012, Musée des Beaux-Arts, Tours, 2012, p. 91-104
Noblet Julien, Rapin Thomas, « Le Cloître de la Psalette. Rappel chronologique (XVe, XVIe et XIXe siècles) », dans Bulletin de la Société archéologique de Touraine, T. 48, 2002, p. 89-104.
Ranjard Robert, La Touraine Archéologique, Mayenne, éd. Joseph Floch, 1981.
Toulier Bernard, « Les hôtels », dans L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoire de la Société archéologique de Touraine, série 4°, T. 10, 1980, p. 81-94.