Tours, 48 rue Colbert
Cette maison de la fin XVe siècle prit pour enseigne le « Pélican ». Elle est sise sur une parcelle en forme de L inversé de 6m de large qui donne le long de la rue Colbert et qui s’étend sur plus de 25 m de long, délimitée autrefois par la Grand-Rue (rue Colbert) au sud et le Jeu de Paume de La Moquerie (fin XVIe siècle) ainsi que le jardin de l’abbaye de Saint-Julien au nord [Bonnin, 1979, p. 140]. À l’est, la parcelle voisine (n° 50 rue Colbert) est enclavée dans celle du n°48 car, à l’origine et jusqu’en 1696, les deux parcelles n’en formaient qu’une seule.
Les dispositions originelles de la maison peuvent être restituées grâce à trois principales sources. L’article 156 du plan terrier de l’abbaye Saint-Julien donne des précisions sur la parcelle et la disposition intérieure en 1761. Les titres de propriétés de la maison indiquent le morcellement de la parcelle lors de sa vente en 1696. Enfin, un dessin de Clérambault présente l’état de la façade sur rue en 1912 [Bonnin, 1998, p. 297]. Ainsi, l’article 156 du terrier de l’abbaye Saint-Julien décrit une maison à trois corps de logis – l’un donne sur la rue et les deux autres sont disposés en fond de parcelle, au nord – dont les accès sont distribués par un passage commun donnant sur une cour intérieure [AD 37, H 528, f. 284] :
« Pour une grande maison sittuée au nord de la Grande Rue où pendoit autrefois pour enseigne Le Pélican, paroisse de s(ain)t Saturnin, consistant en trois corps de logis, l’un sur le devant de lad(ite) rue, et les deux autres au derrière. Composée de trois caves voûtées, boutique sur la rue, magasin à cheminée derrière, chambres basses, écuries, chambres hautes et cabinets aux second et 3e étages, greniers comble, dessus couvert d’ardoise, trois escallier, cours, puy, aizances, communauté à l’allée qui est l’orient avec l’article suivant. »
Actuellement, la façade sur rue présente des traces de restauration qui laissent apparaître le pan de bois précédemment recouvert par un crépi et auparavant par un essentage en ardoise encore visible au début du XXe siècle ; seuls les meneaux et traverses sont récents. Le cloisonnement intérieur d’origine n’existe plus, le rez-de-chaussée est aménagé pour recevoir une librairie. De plus, les cheminées du rez-de-chaussée et une autre au second étage ont disparu. Celles qui subsistent sont en partie masquées par des boiseries du XVIIIe siècle [Bonnin, 1998, p. 297].
La maison est composée d’un rez-de-chaussée, de deux étages carrés et un comble. La restauration menée vers 1980 a mis au jour un pan de bois avec hourdis de brique. Seule la façade principale reçoit un pan de bois à losanges ; les autres murs en pan de bois sont simplement à grille [Base POP, IA00071272]. Des solins de pierre de 50 cm sont utilisés pour le rez-de-chaussée afin d’isoler le bois de l’humidité du sol [Bonnin, 1998, p. 299]. La dimension des losanges est importante : 1,18 m de hauteur pour 53 cm de largeur. Chaque étage reçoit ainsi deux registres de losanges et non quatre comme sur la maison du 32 rue Briçonnet par exemple [Bonnin, 1998, p. 299]. Deux croix de Saint-André prennent place en allèges des trois croisées de l’unique Travée centrale. Certaines pièces de bois portent une numérotation accompagnée d’une marque de charpenterie qui ont servi aux charpentiers lors du montage de la structure en pan de bois.
La façade présente un encorbellement sur poteaux corniers élargis. Celui du premier niveau est plus important (30 cm) que celui du second niveau (22 cm). De même, les assemblages diffèrent. Au premier niveau, la sablière de chambrée (a) repose sur le poteau cornier dans lequel vient s’ancrer la sablière de plancher (b), la jonction entre les deux sablières est infime. La sablière de chambrée (a) reçoit dans sa partie supérieure le poteau cornier de l’étage (c) et à l’arrière la poutre de rive (d). Au second niveau, la poutre de rive (d) s’intercale entre les deux sablières jusqu’à l’aplomb de la façade [Bonnin, 1998, p. 301].
Au rez-de-chaussée, la sablière de chambrée est moulurée d’un larmier à retour amorti par des culots dans la partie supérieure du poteau cornier. Ces culots surmontent des personnages sculptés. Seul leur relief est maintenant visible mais des têtes d’ange se distinguent sur les culots et les personnages sont sans doute, à droite, un roi couronné qui est vêtu d’une longue robe, et à gauche, une reine. Certains poteaux corniers ont mieux conservé leur décoration. Au premier étage, à gauche, un ange porte une fleur de lys. À droite, la Vierge de l’Annonciation, aux traits ronds, drapée d’une robe, accomplit un geste d’acceptation de la main [Bonnin, 1998, p. 302].
En 1761, le rez-de-chaussée est dédié à la « boutique sur la rue » et encore aujourd’hui il sert à une activité professionnelle. Il est fort probable que le corps de logis sur rue ait dès l’origine appartenu à un commerçant. Au rez-de-chaussée, la boutique (A) s’ouvre sur la rue et communique avec l’arrière-boutique (B) qui donne sur la cour (C). Les caves sont directement reliées à la boutique par une vis en pierre. L’accès à l’escalier qui prend place dans la cour (e) s’effectue par un passage commun (d). Cette disposition de passage extérieur est moins courante que celle où un couloir latéral fait partie intégrante de la maison et est lié directement à la vis, comme pour les maisons sérielles sises aux 23-25 rue Colbert. Autour de la cour se tiennent des écuries (D) et une pièce commune F où se situe le puits. Un escalier (g) distribue les deux corps de logis au nord. Au premier étage, les trois corps de logis sont liés par une galerie (L) et un passage (m) [Bonnin, 1998, p. 302-303].
Cette maison s’adapte à un parcellaire laniéré, caractéristique de la pression foncière dont Tours fait l’objet à partir de 1450 [Alix, Noblet, 2013, p. 275]. L’architecture en pan de bois s’avère particulièrement adaptée aux constructions rapides. À Tours, le motif à losanges apparaît comme un type d’assemblage propre à la fin du XVe siècle. Le décor gothique des sablières et des poteaux corniers concordent bien avec cette datation. Le manque de maîtrise de la technique dans l’assemblage des losanges tendrait à faire de cette maison l’une des premières de ce type [Bonnin, 1998, p. 303].
Bibliographie et sources
Alix Clément, Noblet Julien, « Les maisons en pan de bois de Blois : réévaluation du corpus d’une ville ligérienne XVe-XVIe siècle », dans Alix Clément, Épaud Frédéric (dir.), La construction en pan de bois : Au Moyen Âge et à la Renaissance, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.
Archives départementales d’Indre-et-Loire (AD 37), H 528, plan terrier de Saint-Julien de Tours (XVIIIe siècle).
Base POP, IA00071272 et PA00098218.
Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979].
Bonnin Martine, « Tours (Indre-et-Loire). Fin du XVe siècle. Maison en pan-de-bois à trois corps de logis sur boutique. « À l’enseigne du Pélican ». 48 rue Colbert », dans Esquieu Yves, Pesez Jean-Marie (dir.), Cent maisons médiévales en France (du XIIe au milieu du XVIe siècle). Un corpus et une esquisse, Paris, CNRS Éditions, 1998, p. 297-303.