Maison dite de la Pucelle armée

Localisation :

Tours, 39-41 rue Colbert

Dates :

1er quart du XVIe siècle

État du batiment :

Partiellement conservé

Maison dite de la Pucelle armée.
Crédits : photo © Léa Dupuis.

Cette maison du deuxième quart XVIe  siècle aurait été construite à l’emplacement de la maison de Colas de Montbazon qui fabriqua l’armure de Jeanne d’Arc en 1429 ; la maison prit pour enseigne « à la Pucelle Armée » comme le rappellent l’enseigne et la plaque de 1929 [Jeanson, 1973, p.71]. 

Cette parcelle de 7 m de large longe la rue et s’étend sur plus de 43 m de profondeur (le double des parcelles aux 23-27 rue Colbert). Elle était autrefois délimitée par la Grand-Rue (rue Colbert) au nord et le jardin du couvent des Cordeliers au sud [Bonnin, 1979, p. 137]. Sur le terrier de Saint Julien, elle comprend trois maisons : une première maison à pignon sur rue avec sa cour intérieure (n° 343 du terrier de Saint Julien de 1761) ; une autre cour qui devance la deuxième maison (n° 344 du terrier) accessible par un couloir à l’est ; et, enfin, une troisième cour commune, également accessible par le couloir, avec une aile située sur le côté ouest ainsi qu’une troisième maison en fond de parcelle, actuellement détruite (n°345 du terrier) [AD 37 H 528]. 

 

Détail retouché du Terrier sommier du fief de la châtellenie du corps ou chef de l’abbaye de Saint-Julien, 1761, Tours, Archives départementales d’Indre-et-Loire, H 528, articles 343, 344 et 345.
Crédit: Archives départementales d’Indre-et-Loire, H. 528. Adobe © Ophélie Delarue.

 

Les trois étages de la façade sur rue sont construits en encorbellement. Ils reposent sur des corbeaux de pierre aux deux extrémités du rez-de-chaussée. Rarement conservés en raison des changements de devantures de boutique au rez-de-chaussée, les trois poteaux servant de piédroits aux portes d’entrée conservent encore des motifs renaissants authentiques. Le fût du poteau s’orne de feuilles d’acanthe se développant verticalement tandis que la console se pare d’une chute de fruits, de fleurs et de feuilles. Deux poteaux reçoivent un pilastre à fût orné d’un losange au centre et d’un demi-losange aux extrémités, surmonté d’un chapiteau corinthien et d’une console en volute. L’entretoise moulurée de denticules et la sablière de chambrée qui porte un écu bûché au centre et un disque aux abouts complètent ce répertoire renaissant. Les motifs des losanges et des disques se diffusent largement en France à partir de 1515 dans l’architecture de pierre [Thomas, 1998, vol. I, p. 53]. On peut supposer que la diffusion soit plus tardive dans l’architecture de bois.

 

 

L’ossature secondaire dit à grille associe des poteaux et des tournisses, raidis par des éléments obliques. L’espace entre les poteaux s’adapte à la taille des briques, disposition qui atteste un hourdis de brique d’origine. Les étages en encorbellement sont percés d’une Travée légèrement décentrée sur la façade et d’une demi-travée à chaque extrémité. L’encadrement de la fenêtre du premier étage aux angles supérieurs arrondis est mouluré de baguettes toriques. On distingue le départ des moulures qui se prolongeaient sur les bois de la Croisée, le Meneau et la Traverse. Au deuxième étage, s’observe le trou de mortaise qui recevait autrefois le meneau de la croisée. Ce type d’encadrement aux angles supérieurs arrondis se rencontre entre la dernière décennie du XVe et la première du XVIe siècle dans l’architecture de pierre (Amboise, Blois…).

Vestige d’une croisée : maison dite de la Pucelle armée.
Crédits : Photo © Ophélie Delarue

 

La façade comporte deux portes d’entrée, l’une pour la première maison et l’autre donnant dans un couloir continu qui dessert les bâtiments en fond de parcelle. Si le rez-de-chaussée est exigu en largeur, la première maison est autonome : une entrée et deux pièces sont dédiées à l’espace commercial donnant sur la rue ; une cour suivie d’une autre pièce et un escalier menant à la cave ainsi qu’aux espaces privatifs, qui présente actuellement un escalier à balustres du XVIIe siècle. L’article 343 du terrier de Saint Julien décrit la maison comme suit [AD 37, H 528, f. 645] :

« Pour une maison sittuée au midy de la Grande Rue, près les Patenôtres d’or ; appellée la Pucelle armée, paroisse de Saint Saturnin, composée d’une grande cave voûtée séparée en deux, une boutique, arrière boutique, une cuisine, une cour pavée, un puy dedans et des aizances, un couloir ou allée commune à costé desd(ites) choses ; deux chambres hautes au 1er étage dont une sert de cuisine, deux cabinets et un évier ; deux pareilles chambres et cabinets au 2e étage, greniers au-dessus où sont pratiquées deux petites chambres dans la mansarde, un petit grenier au-dessus d’icelles et un autre grenier dans le comble couverts d’ardoise, escallier de pierre et de bois pour le service des cave et des haults de la maison […]. »

 

Maison 39-41 rue Colbert, plan extrait de Bonnin Martine, Toulier Bernard, « Les plans-types » dans Toulier Bernard (commissaire), L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoires de la Société archéologique de Touraine, série 4°, T. 10, 1980, p. 58.

La seconde maison, moins profonde, s’étend sur deux pièces (une chambre et un cabinet au XVIIIe siècle), mais possède également sa propre cour qui apporte une source de lumière essentielle. Si le terrier de Saint Julien mentionne un escalier, le relevé de Martine Bonnin datant de 1979 n’en fait pas figurer à cet endroit. L’article 344 du terrier de Saint Julien décrit cette deuxième maison en ces termes [AD 37, H 528, f. 647] :

« Pour une maison sittuée au midy de la Grande Rue derrière l’article précédent de la Pucelle armée, paroisse de saint Saturnin, composée d’une cave voûtée, une chambre basse sur laditte cave, un cabinet au bout, deux chambres hautes l’une sur l’autre, cabinet, grenier et comble dessus une petite cour joignant l’escallier, une autre cour derrière communauté du couloir ou allée et de la porte qui est sur la Grande Rue pour y entrer et sortir et du puy qui est dans cette même allée […]. »

 

Seconde maison : maison 39-41 rue Colbert, photographie extraite de Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979], 21b.

De la troisième maison, il ne reste plus que l’aile ouest qui servait d’écuries au XVIIIe  siècle, et dans sa partie sud, l’escalier en bois qui desservait une cave voûtée et quatre étages. Une cuisine était adossée en appentis et jouxtait une cour. L’article 345 du terrier de Saint Julien mentionne également cette troisième maison [AD 37, H 528, f. 648-649] :

« Pour une autre maison au midy de la Grande Rue, derrière et au fond de l’article précédent, paroisse de s(ain)t Saturnin, composée d’une cave voûtée, une chambre basse à cheminée au-dessus, un cabinet répondant sur la cour, une cour devant en laquelle est une écurie et un puy, une autre cour derrière, une cuisine bastie en appenty, un siège d’aizance, deux chambres hautes l’une sur l’autre avec chacun deux cabinets d’aizances, grenier comble dessus, escallier de bois, communauté au couloir ou allée d’entrée et sortie de lad(ite) Grande Rue avec les deux articles précédents […]. » 

 

Aile ouest – troisième maison : maison 39-41 rue Colbert, photographie extraite de Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979], 22b.

Le répertoire ornemental renaissant de la maison de la Pucelle Armée amène à proposer une datation postérieure à 1515. Les ornements de la première Renaissance importés de la Lombardie s’adaptent à une structure en pan de bois  de tradition gothique flamboyante dont les ornements des fenêtres témoignent. Mais il demeure bien difficile de déterminer avec assurance si ces ornements n’ont pas été rapportés postérieurement ou repris en sous-œuvre.

 

Bibliographie et sources

Archives départementales d’Indre-et-Loire (AD 37), H 528, plan terrier de Saint-Julien de Tours (XVIIIe siècle).
Base POP, IA00071271.
Bonnin Martine, Les maisons à Tours au XVème et au XVIème siècles, mémoire de maîtrise d’Histoire de l’Art sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1979]. 
Jeanson Denis, Sites et monuments du grand Tours, Tours, Astragale, 1973.
Thomas Évelyne, Le décor de la première Renaissance, thèse de doctorat d’Histoire de l’Art, sous la direction de Jean Guillaume, CESR-Université de Tours, [1998].


Lien vers la fiche associée :

Les maisons en pans de bois