Œuvres notables
Livre d’Heures de Charles VIII, v. 1483-1498, Paris, BnF (ms. lat. 1370).
Livre d’Heures de Louis XII, v. 1498-1502, œuvre dispersée.
Grandes Heures d’Anne de Bretagne, v. 1503-1508, Paris, BnF (ms. lat. 9474).
Livre d’Heures de Frédéric d’Aragon, en collaboration avec Giovanni Todeschino et le Maître de Claude de France, v. 1501-1502, Paris, BnF (ms. lat. 10532).
Missel de Jacques de Beaune, en collaboration avec le Maître de Claude de France, v. 1506-1511, Paris, BnF (ms. lat. 886).
Jean Bourdichon fut un peintre actif à Tours entre 1478 et 1521. Probablement élève de Jean Fouquet, il lui succéda à sa mort en 1480 à la charge d’enlumineur et valet de chambre du roi [Renumar, 10 juillet 1481] Louis XI et il servit ensuite les rois Charles VIII, Louis XII et François Ier.
Les contours de la vie de Bourdichon sont assez bien connus. Selon son propre témoignage lors du procès de canonisation de François de Paule [Limousin, 1954, p. 7 et 97], il avait cinquante-six ans en 1513, ce qui permet de situer sa naissance aux alentours de 1457. Un acte de succession [Renumar, 19 juillet 1521] au profit de Françoise, la fille issue de son premier mariage avec Barbe Colleberte, indique qu’il décéda avant juillet 1521, vers l’âge de 63 ou 64 ans. Il vivait dans la paroisse Sainte-Croix, rue de la Serpe [Base Mérimée, PA00098255], dans une maison où il installa vraisemblablement son atelier. En 1491, Charles VIII lui fit aménager une pièce de travail au château du Plessis-lès-Tours [Limousin, 1954, p. 8].
Sa charge de peintre du roi l’amenait à effectuer des travaux très divers. Ainsi, à côté des portraits, des enluminures et des tableaux religieux, il était tenu de réaliser des besognes plus simples. En 1478, il reçut un paiement pour la dorure d’un tabernacle ; en 1484, il exécuta des écussons en bois pour l’assemblée des chevaliers de l’ordre de Saint-Michel et la même année, il peignit plusieurs sièges pour la reine [Montaiglon]. Il fournit également des modèles pour des vêtements, pour les pièces de la Monnaie de Nantes et pour les tentes du camp du Drap-d’Or [Laborde, 1850, p. 181]. Les œuvres mentionnées dans les sources comme les portraits de roi et de reines (Charles VIII, Anne de Bretagne, François Ier) et les peintures à sujets religieux [Montaiglon] ne nous sont pas parvenues. En revanche, certaines attributions ont été proposées en raison de comparaisons stylistiques avec ses miniatures. C’est le cas du Triptyque de la Vierge à l’Enfant de la chartreuse de Naples, dont la vue sur la ville de Tours à l’arrière-plan confirme bien l’origine tourangelle [Dupont, 1935]. La Vierge en oraison du musée des Beaux-Arts de Tours s’inscrit quant à elle dans le corpus des figures mariales réalisées par le peintre. Pourtant, l’attribution de l’œuvre et de son pendant, le Christ bénissant, fait encore débat [Tours 1500, p. 162]. Les deux volets pourraient faire partie d’une production d’atelier.
En dépit de cette polyvalence, Jean Bourdichon est principalement connu pour ses enluminures dont certaines figurent parmi les plus remarquables de son époque. La paternité des miniatures et des bordures des Grandes Heures d’Anne de Bretagne (1503-1508), un riche manuscrit destiné à la reine de France, est attestée par un paiement de 600 écus [BnF, NAF 21003-21500] qu’il reçut 1508 [Tours 1500, cat. 1]. Seul ouvrage documenté, il permit d’établir le corpus du peintre sur des bases stylistiques. Les recherches ont ainsi montré que Bourdichon avait enluminé quelques années auparavant un livre d’heures pour Louis XII (v. 1498-1502, aujourd’hui dispersé), qui servit de modèle aux Grandes Heures.
Grâce à sa charge de peintre du roi, Bourdichon avait accès à des commandes prestigieuses, comme celle du Livre d’Heures de Frédéric III d’Aragon (Paris, BnF). Dernier roi d’Aragon de Naples, Frédéric s’était réfugié après sa déposition en 1501 au château du Plessis où le suivirent les gens de sa cour parmi lesquels l’enlumineur Giovanni Todeschino, présent en Touraine entre l’hiver 1501 et le printemps 1502 [Hermant, Toscano, 2015, p. 117]. C’est avec lui que Bourdichon procéda à la décoration du livre d’heures du roi déchu. Le Tourangeau réalisa les vignettes historiées sur de fines feuilles de parchemin qui furent ensuite collées sur les pages du manuscrit. Les encadrements sont principalement l’œuvre de Todeschino. Toutefois, certains furent exécutés par le Maître de Claude de France, un des assistants de Bourdichon, qui dut suivre étroitement les modèles de l’Italien. Frédéric d’Aragon, ou l’un de ses proches, fut probablement le commanditaire du Triptyque de la Vierge à l’Enfant déjà cité plus haut, qui fut envoyé à Naples avant 1504 [Hofmann, 2007, p. 201], date de la mort de Frédéric. Les enluminures plus tardives de Bourdichon portent l’influence de l’art italien qui fut transmise par les modèles de Todeschino et les œuvres amenées à Tours par le roi napolitain. En effet, le Missel de Jacques de Beaune présente des encadrements italianisants raffinés où d’élégants candélabres dorés sont rehaussés d’une ombre rouge ou mauve à la manière de Todeschino.
Bourdichon employa également ce procédé autour des médaillons de la Description des douze Césars, un des derniers ouvrages. La commande, non documentée, émane indubitablement d’un prestigieux client. Selon une hypothèse, les manuscrits – il en existe trois exemplaires – furent exécutés à la demande de François Ier pour servir de cadeaux diplomatiques à Charles Quint et Henry VIII, le roi de France s’en réservant une copie [Herman, 2011, p. 225]. L’iconographie impériale tend à soutenir cette hypothèse : la sobriété, la grandeur et la dignité des modèles, peints de profil sur un fond azur dans un cadre doré, reflètent les qualités dont devaient s’enorgueillir les trois souverains.
Jean Bourdichon fut un peintre prolifique au service des Grands du royaume. Il est l’auteur des miniatures des Grandes Heures d’Anne de Bretagne, l’une des œuvres majeures de l’enluminure du début du XVIe siècle. Longtemps jugé comme un peintre peu inventif, les études actuelles cherchent à réévaluer son corpus afin de mieux comprendre quels ont été ses apports et ses innovations dans la peinture de son époque.
Bibliographie et sources
Giraudet Eugène, Les artistes tourangeaux, architectes, armuriers, brodeurs, émailleurs, graveurs, orfèvres, peintres, sculpteurs, tapissiers de haute lisse, notes et documents inédits, Tours, Imprimerie de Rouillé-Ladevèze, 1885, p. 39-43.
Herman Nicholas, « Ut certius et melius ipsum depingeret: observations sur la production et l’activité tardive de Jean Bourdichon », dans dans Elsig Frédéric (dir.), Peindre en France à la Renaissance, T. I, Milan, Silvana Editoriale, 2011, p. 215-231.
Herman Nicholas, « Jean Bourdichon », dans Tours 1500. Capitale des arts, catalogue d’exposition au musée des Beaux-Arts de Tours du 17 mars au 17 juin 2012, Paris, Somogy, 2012, p. 247-251.
Hofmann Mara, « Jean Poyer et Jean Bourdichon : peintres de retables à Tours vers la fin du XVe siècle », dans Art Sacré, t. 24, 2007, p. 191-205.
Limousin Raymond, Jean Bourdichon, peintre et enlumineur, son atelier et son école, Lyon, Presses Académiques, 1954.
Montaiglon Anatole de, « Jean Bourdichon de Tours », dans Archives de l’art français, T. IV, 1855, p. 1-23.
Base Renumar, 10 juillet 1481 et Renumar, 19 juillet 1521.