Issu d’une famille marchande, Jean Fournier dit « de Beaune » s’est illustré dans le commerce. Les origines de la famille et de son nom restent assez mystérieuses. Selon certains, les De Beaune seraient originaires de la ville de Beaune en Bourgogne. Pour d’autres, ils ont toujours habité la Touraine et devraient leur nom d’une ferme située près de Tours.
À la liquidation des biens de Jacques Cœur après 1451, Jean saisit l’opportunité qui s’offrait à lui. Il racheta un lot de draps de soie faisant partie des stocks de l’infortuné argentier [Chevalier, 2005, p. 63]. Dès 1454, il était fournisseur de la maison d’Angoulême. En seulement 10 ans, il devint l’un des plus importants marchands fournissant l’Argenterie royale. Devenu argentier de Charles VII, il fournit à la maison du roi entre autres des draps et des soieries. À la mort de Charles VII, son activité semble essuyer un déclin au profit des marchand berruyers, avant que la guerre du Bien Public ne le rétablisse dans sa situation en tant qu’argentier de Louis XI. Selon le 3e compte de l’argenterie de 1468-1469, Jean de Beaune fournissait à lui seul 92% des draps de laine et 77% des soieries à la couronne [Chevalier, 1983, p. 163-166]. En 1470, c’est lui qui fournit les premières soies brutes aux ouvriers en draps italiens venus s’installer à Lyon à l’initiative de Louis XI [Spont, 1895, p. 4].
Le banquier de Louis XI
Très tôt, fort de la richesse accumulée, Jean de Beaune commença à prêter de l’argent au roi. Ces activités l’amenèrent à être en contact avec des banquiers florentins comme les Médicis et les Pazzi, qui étaient pour ces derniers argentiers du dauphin en 1472. Cependant, Jean ne put se permettre de faire des prêts sur le long terme, ces activités commerciales l’obligeaient à récupérer rapidement les sommes prêtées [Blanchard, 2015]. Selon Bernard Chevalier, il était, avec ses associés de la boutique de l’argenterie, « cantonnés dans des opérations d’avances sur assignation ou de courtage d’emprunts publics » [Chevalier, 1983, p. 169].
Ses opérations de banque ne furent pas toujours fructueuses. C’est notamment le cas en 1470 lorsque Jean de Beaune et Jean Briçonnet, mandatés par Louis XI, furent envoyés en délégation en Angleterre auprès du roi Henri VI. Ils furent chargés d’amener un panel de marchandises produites en France dont la valeur atteint les 25 000 écus pour tenter de développer le commerce franco-anglais. Arrivées an Angleterre, les marchandises furent saisies par le comte de Warwick juste avant son assassinat. L’instabilité politique anglaise à la suite de la mort d’Henri VI et l’accession au trône d’Édouard IV poussèrent les marchands à faire demi-tour avec ce qui leur restait de marchandises. Une fois en mer, les infortunés furent victimes des Hanséates qui s’emparèrent des marchandises et du fils de Jean de Beaune pour obtenir une rançon. Le roi de France se vit contraint d’indemniser les pertes des deux tourangeaux à hauteur de 30 000 livres [Blanchard, 2015].
Famille et alliances
De son mariage avec Jeanne Binet naquirent plusieurs enfants. Le plus connu d’entre eux était Jacques de Beaune qui, après avoir suivi les traces de son père, se consacra aux finances royales. Les mariages de ses enfants lui permirent de consolider les alliances commerciales qu’ils avaient développées. Trois de ses enfants, Catherine, Raoulette et Guillaume, épousèrent respectivement Jean Briçonnet le jeune, son associé à la boutique de l’argenterie, Guillaume Briçonnet et Jeanne Briçonnet. Sa seconde fille Marie fut mariée à Jean Quétier également membre de la boutique. Jeanne de Beaune fut promise à Pierre Morin amené à devenir trésorier de France. Jacques s’unit à Jeanne Ruzé qui appartenait à l’une des quatre grandes familles de l’élite bourgeoise de Tours avec les De Beaune, les Berthelot et les Briçonnet [Spont, 1895, p. 15].
Jean de Beaune et Tours
Attaché à la ville dans laquelle il grandit et prospéra, Jean de Beaune s’investit dans la vie locale de Tours. Il fut le premier membre de la famille de Beaune à accéder à la fonction de maire en 1470. Ses fils Jacques et Guillaume le suivirent bientôt dans cette voie. En 1474, il était membre de la confrérie de Saint-Gatien.
Jean avait un hôtel particulier à l’angle de la rue Traversaine et de la Grand-Rue (actuelles rues Nationale et Colbert). La date de construction de la demeure reste inconnue mais elle est attestée dès 1468. À cela s’ajoutèrent des étables et un jardin à proximité de l’église Saint-Saturnin. L’ensemble de ses biens était alors estimé à 5500 l. [Spont, 1895, p. 15]. Son fils Jacques hérita de l’hôtel à sa mort et en fit la pierre angulaire de son palais urbain.
C’est à Jean que l’on devait également la chapelle privative de la famille De Beaune dédiée à Notre-Dame-de-Pitié en l’église Saint-Saturnin de Tours. Il y fut inhumé à sa mort en 1480. C’est cette même chapelle que son fils Jacques orna d’un tombeau et d’une fresque à son image.
Bibliographie
Blanchard Joël, « VII. Louis XI et l’argent », dans Louis XI, Blanchard Joël (dir.), Perrin, Paris, 2015.
Chevalier Bernard, Tours ville royale 1356-1520, Chambray-lès-Tours, C.L.D., 1983.
Spont Alfred, Semblançay (?-1527) : la bourgeoisie financière au début du XVIe siècle…, Hachette, Paris, 1895.